À cette époque de l'année, jusque vers 1840, se tenait un festival au bord de la mer sur les lieux même où, de nos jours, s'étale la luxuriance végétale du fameux Jardin d'Essais. En cet endroit, se dressaient deux koubbas. L'une dédiée à Sidi Blal, l'autre, à peu de distance, vouée à sidi Baoua ; autour desquelles se tenait un rite que l'anthropologie nous dit être la Fête des fèves consacrée par la population noire d'Alger et ses environs à l'apparition des petites gousses vertes... Il n'y avait pas que les Gnawa qui célébraient la petite graine. Le folklore algérien foisonne d'usages coutumiers reliés à la fève. On la mange également lors de certaines fêtes comme l'Achoura ou Ennayer et dans les occasions heureuses : mariage, naissance, circoncision, première dent, première coupe de cheveux… La fève représente, dans la symbolique berbère, la fécondité, la force et la longévité. (M.A Haddadou. Le guide de la culture berbère.) Les Berbères et les Arabes connaissent et vénéraient ce légume depuis la nuit des temps. Aujourd'hui, en apparence, la consommation des fèves se fait plus rare. Présente toute l'année grâce à la culture sous serre, les fèves n'en sont pas moins rejetées au rang d'aliments pauvre. Même si la diététique dit le contraire : des protéines, des vitamines, des oligoéléments et des sels minéraux en bonne quantité. Les fèves fraîches ou févettes sont un régal végétal de printemps. Elles sont la composante de nombreux apprêts de notre cuisine. À commencer par le couscous roi : gousses entière dans la sauce ou les graines écossées cuites à la vapeur avec la semoule. Le mets est accompagné de raïb ou de leben. Spécialité nationale qui a la réputation de favoriser la sieste digestive. S'en suit tout l'éventail des tbiykhate : accompagnées de petit légumes de saison tels les petits pois, artichauts, cardes et cardons, pommes de terre. Très répandue également, la salade tiède (gousses et graines cuite à la vapeur servies avec des oignons hachés, vinaigre et huile d'olives ), souvent aromatisée aux herbes de printemps (fliou, zâatar, menthe). Sans oublier la chorba sans viande aux févettes et le tajine el foul bel l'ham. Cueillies à maturité et séchées, les graines de notre légumineuse sont un attribut incontournable de certains couscous d'hiver à coté de la courge (kabouya, takhssaïth) et de la viande séchée (khli', hchim, qadid). Puis il y a la soupe (parfois purée) de fèves (bissara ou abissar) et la fameuse (Doubara) où elles se marient heureusement aux pois chiches… Si le temps vous manque ou que vous n'êtes pas versés dans la cuisine de grand-mère, essayez tout simplement les graines fraîches épluchées dans une salade de tomates accompagnée d'une vinaigrette au yaourt relevée avec de la menthe fraîche hachée. Bon appétit. Momo [email protected]