En visite à Israël et en Cisjordanie, l'émissaire américain George Mitchell, qui se rend pour la troisième fois dans la région depuis qu'il a été désigné pour suivre le dossier du Proche-Orient, a pris la mesure du fossé qui sépare les deux nouveaux gouvernements américain et israélien. À l'issue d'une rencontre avec le très controversé ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman, le diplomate américain n'en démord, cependant, pas et a réaffirmé la position américaine en faveur d'un Etat palestinien souverain. “J'ai redit au ministre des Affaires étrangères que la politique américaine, pour ce qui concerne le conflit israélo-palestinien, est en faveur d'une solution à deux Etats, qui verra un Etat palestinien vivant en paix aux côtés de l'Etat juif d'Israël”, a-t-il déclaré à la presse à l'issue de leurs discussions, en présence de son interlocuteur. Prenant la parole à sa suite, Avigdor Lieberman n'a à aucun moment évoqué la perspective d'un Etat palestinien. Pour le ministre israélien d'extrême droite, il faut de “nouvelles idées et une nouvelle approche”, ce qui signifie très clairement son intention de ne pas respecter les accords conclus et les engagements pris par les gouvernements précédents, notamment depuis le lancement d'un nouveau processus de paix à Annapolis, qui a vu l'engagement d'Israël à œuvrer pour l'avènement rapide d'un Etat palestinien souverain. Plus explicite encore, il a affirmé que “les Premiers ministres précédents étaient prêts à faire de vastes concessions (aux Palestiniens ndlr) et le résultat du gouvernement Olmert-Livni, c'est la deuxième guerre du Liban, l'opération à Gaza, la rupture des relations avec le Qatar et la Mauritanie…” Les deux hommes sont clairement sur des positions très différentes, pour ne pas dire aux antipodes l'une de l'autre. En analysant la forme des propos de George Mitchell, notamment lorsqu'il utilise la formule “j'ai redit au ministre des Affaires étrangères…”, une conclusion s'impose : on y décèle à la fois de l'agacement et de la détermination. Tout se passe comme si, depuis l'installation du gouvernement de Benjamin Netanyahou, Israël et les Etats-Unis se parlent mais ne s'écoutent pas. Les divergences sont importantes et elles sont désormais étalées au grand jour, ce qui présage de futures frictions inévitables. La tension qui s'installe dans les relations entre les deux pays est telle que le Premier ministre et les membres de son gouvernement ne ménagent aucun effort et ne ratent aucune occasion pour rappeler les liens stratégiques et affectifs qui unissent les deux pays. Le président Shimon Peres, qui avait reçu George Mitchell peu auparavant, a tenté, de son côté, de minimiser ce qui commence à prendre les contours d'une crise entre Washington et Tel-Aviv. “La politique du président Obama et ses efforts pour la paix dans la région sont les mêmes que la position d'Israël”, a-t-il déclaré, manifestement sans convaincre personne. C'est le Premier ministre, Benjamin Netanyahou, qui détient les leviers qui aggraveront les tensions ou qui, au contraire les atténueront. Plus proche des positions de son ministre des Affaires étrangères que de l'approche préconisée par les Etats-Unis, il n'a encore jamais fait allusion à la perspective d'un Etat palestinien. Mais, faut-il le souligner, il n'a pas encore fait officiellement état de son projet concernant le conflit israélo-palestinien. Aussi peut-on penser que la détermination de Washington à promouvoir sa politique pour la région le contraindra à assouplir les positions exprimées jusqu'ici. Encore que le risque pour lui de voir éclater la fragile coalition au gouvernement n'est pas une vue de l'esprit. M. A. Boumendil