Une odeur de gaz lacrymogènes agressant les narines et les yeux, des gravats et des pierres, toutes sortes d'objets hétéroclites et surtout des boulons de tous calibres jonchent le sol noirci par les cocktails Molotov, tels sont les signes des violents affrontements qu'a vécus la ville de Berriane tout au long de la journée du vendredi. Comme s'il était trop longtemps contenu, un déchaînement de violence inouïe a ébranlé le centre de Berriane, et ce, juste après la fin de la grande prière du vendredi. Des échauffourées devant la mosquée El-Boukhari, située juste à côté du tribunal et à quelques mètres de la brigade de la Gendarmerie nationale, ont fait plusieurs blessés, dont quelques-uns ont nécessité un transfert urgent vers l'hôpital Tirichine de Ghardaïa, à 45 km. Parmi les blessés, un colonel de la Gendarmerie nationale touché au-dessous de l'oreille droite, ainsi qu'un capitaine du même corps qui traînait le pied, touché, semble-t-il, au tibia. Un élément des forces antiémeutes a été gravement blessé à la tête par un parpaing lancé du haut d'une terrasse. Plusieurs maisons et magasins ont été incendiés, alors que des locaux de commerce et la pompe d'essence, l'unique de la région, ont été pillés. La route nationale a été une énième fois coupée à la circulation condamnant des centaines d'usagers à végéter des heures et des heures aux extrémités de la ville, attendant une hypothétique réouverture. Nous avons constaté de visu un magasin de matériel anti-incendie en train de flamber à 100 mètres du siège de la daïra, ainsi qu'un hammam et deux maisons fumant encore. Les forces antiémeutes de la police reculant devant la violence, des jeunes armés de pierres, de lance-pierres et de cocktails Molotov, c'est l'image forte de cette journée où l'inversion des valeurs fait que la puissance de l'Etat n'a rien pu devant celle des jeunes en colère. Triste capitulation d'un géant aux pieds d'argile nommé Etat. C'était, en effet, et pendant plusieurs heures, carrément le chaos. Chacun essayant de sauver ce qu'il peut et en premier lieu sa peau. Vers 17 heures le wali de Ghardaïa, qui a dû rebrousser chemin, alors qu'il se dirigeait par route sur Alger, a fait son apparition et en une demi-heure, la route a été rouverte et la sécurité, même aléatoire, rétablie. Comment ? C'est la grande question. Et si tant est que des solutions existent, pourquoi attendre le wali pour les mettre en application ? Faudrait-il affecter le wali de Ghardaïa exclusivement à Berriane pour le maintien de la paix civile ? Samedi, lendemain de violences, la ville est complètement quadrillée par d'importantes forces de sécurité, toutes les rues et ruelles sont surveillées. Ce qui n'a pas empêché certains individus de lancer des pierres sur les rares automobilistes qui osaient emprunter cette route devenue le lieu privilégié de tous les contestataires. La ville est comme morte, aucun magasin, ni école ne sont ouverts. Les services des différentes administrations sont rares à avoir fonctionné. Un appel à la grève générale a même été lancé par les représentants de la communauté mozabite, d'ailleurs très largement suivi dans toute la ville, devenue fantomatique. Selon des sources dignes de foi, 4 arrestations ont été opérées vendredi. Au moment où nous mettons sous presse, le wali de Ghardaïa, entouré des responsables sécuritaires de la région, était toujours en réunion au siège de la daïra de Berriane, transformée pour la circonstance en QG de crise. L. KACHEMAD