Natif d'Ighil Ali en 1906, Jean décède à l'aube de l'indépendance de son pays le 16 avril 1962. En pleine période coloniale, Jean El Mouhoub Amrouche déclarait que “ceux des colonisés qui ont su s'abreuver aux grandes œuvres sont tous, non point des héritiers choyés mais des voleurs de feu”. À travers cette déclaration, le journaliste, poète et écrivain proclame tout son attachement et son intérêt à servir son pays. Le feu n'est pas seulement synonyme de sinistre, désastre et désolation. Ici, le sens quitté par Jean annonce et inspire plutôt la lumière dégagée, nécessaire et utile pour éclairer et développer un pays en marche certaine vers son indépendance. En effet, arrachée de pleine détermination et abnégation, cette frange de la population autochtone instruite à l'école coloniale devait servir de réservoir humain capable de donner un sens à l'Algérie indépendante. C'est-à-dire, construire et former un pays avec ses institutions reposant sur des bases objectives et rationnelles ; celles qui mènent vers l'élévation d'une République moderne ouverte, mais surtout indissociable, voire impossible, sans les lumières éclairantes de ces “voleurs de feu” dont il faisait partie. C'est en raison qu'il déclare que “pour l'instant, les miens reconnaissent en moi leur propre voix et l'un des vengeurs d'un peuple écrasé de misère et de mépris…” Nos intellectuels de l'époque, bien avisés de leur instruction et formés à l'abreuvoir des grandes œuvres, refusaient d'être utilisés comme modèles de réussite coloniale. Combien d'entre eux avaient même refusé des prix qui camouflaient des intentions manœuvrières et orientées. Sans renier la grandeur de ses sources formatrices et désaltérantes, Jean El Mouhoub Amrouche s'assume en tant qu'Algérien pluriel. Reda Malek, grand homme politique et ancien membre du GPRA, alors basé à Tunis, parlera longuement sur les ondes de la Chaîne II de l'engagement politique de Jean au profit de l'Algérie combattante. Il déclarera que Jean El Mouhoub Amrouche était chargé par Abane Ramdane d'entreprendre les contacts nécessaires en vue de négociations avec l'Etat français colonial. Ce qu'il fit avec succès. Lors du colloque qui lui a été consacré par la Bibliothèque nationale en présence d'anciens hauts responsables algériens et de son fils Pierre, une exposition de photos le montre en compagnie des dirigeants du GPRA. Dans la revue le Patriote algérien parue en mai 1963, Krim Belkacem, le signataire des accords d'Evian, notait de Jean une déclaration prémonitoire : “Il est l'exemple de ce que notre peuple recèle comme génie et comme possibilité, si les conditions de vie normale lui sont faites et la voie du développement ouverte.”