“L'Espagne va travailler conjointement avec l'Algérie pour renforcer la zone méditerranéenne”, a déclaré, hier, M. Francisco Javier Rojo, président du Sénat espagnol après son entrevue avec le président Bouteflika, sans toutefois s'étaler sur le sujet de cet espace géographique en constante construction et aux contours variables selon des grilles de lecture et les conjonctures politiques. Néanmoins, le président de la Haute-Chambre espagnole, dont le pays héritera l'année prochaine de la présidence de l'Union européenne, prend la précaution d'éviter la terminologie courante, très connotée, définissant habituellement l'espace méditerranéen en lui substituant “la zone méditerranéenne” qui penche vers une lecture économique. Aspect qui demeure prisonnier des divergences entre la droite et les socialistes espagnols dont les relations avec l'Algérie, qui ne connaissent certes pas de perturbations majeures, vacillent selon la succession de l'un ou de l'autre à la présidence du gouvernement. L'Algérie est un partenaire important, a rappelé M. Rojo qui compte mettre à profit sa visite pour renforcer les relations de son pays avec l'Algérie, mais les dossiers litigieux tendent à freiner cette volonté de dynamiser les rapports entre Alger et Madrid. Pourtant, au plan économique, les deux pays ont marqué bien des points par rapport à nombre de pays de l'union. Second robinet de gaz algérien vers l'Europe qui a souffert de la crise russo-ukrainienne, l'Espagne, sous l'impulsion du gouvernement Zapatero, a adopté une attitude qui était loin de s'inscrire dans la logique d'un partenariat “gagnant-gagnant” comme conclu avec le gouvernement de droite. La mini-crise aboutit au retrait de l'Espagne de Medgaz et le litige contractuel de fourniture de gaz atterrit au tribunal commercial. Evidemment le forcing du gouvernement Zapatero est allé à contre-courant de la quête de l'UE d'une alternative temporaire, du moins, à la crise russo-ukrainienne dont l'Algérie avait offert la garantie au risque de froisser son important partenaire de l'Est, la Russie. Au plan politique, le gouvernement de gauche a vite effacé les nuances de la droite se déterminant clairement par un alignement sur la France sur certains dossiers sensibles comme celui du Sahara occidental contre toute légalité internationale. Pis, le Maroc occupant est fourni en armes et équipements au moment où l'ONU et les ONG dénonçaient la répression dans les territoires occupés. Ce sont paradoxalement les dossiers litigieux qui sont souvent mis en avant, alors que des domaines sensibles communs demeurent au second plan des préoccupations et de coopération. Les questions sécuritaires et l'immigration clandestine restent, en matière de coordination des luttes, de coopération, loin d'être pris en charge dans les engagements des deux pays. L'Algérie et l'Espagne sont appelées à coopérer étroitement pour une lutte plus efficace contre les groupes islamistes armés. La menace des terroristes du GSPC et d'Al-Qaïda pèse autant sur l'Algérie qui a gagné une bataille et en expérience en la matière. Comme elles ont intérêt à coordonner leurs actions à la fois dans la lutte contre l'immigration clandestine et dans le but de trouver des solutions durables, d'autant plus que les deux pays représentent des plates-formes de transit et destination, surtout pour l'Espagne dont les efforts sont concentrés sur le seul flanc atlantique. Le même schéma est adopté dans le cadre de la lutte contre le trafic de drogue dont l'Algérie et l'Espagne représentent pour les narcotrafiquants des points de passage obligatoires. Reste encore le vaste domaine de la coopération économique et le marché algérien, ce grand chantier qui s'ouvre et dont les besoins en investissements ne devraient pas laisser insensibles les entreprises espagnoles. Des perspectives qui devraient dominer les rapports entre les deux pays et constituer la base d'une relation stable autour d'intérêts communs. Pour autant, des visites comme celle de M. Javier Rojo peuvent-elles lever toutes les équivoques et transcender les différends entre les deux pays ?