Liberté : Le mouvement a rejeté l'offre de dialogue. Cette décision ne met-elle pas le mouvement devant une impasse ? Rabah Boucetta : La plate-forme pose une problématique qui nécessite un amendement de la Constitution. C'est pour cela que nous exigeons l'engagement du premier magistrat du pays. L'offre de dialogue est en soi une bonne chose, mais peut-on y répondre favorablement, alors que la justice n'a pas ouvert de dossiers contres les assassins identifiés, et que les assemblées continuent à gérer sans légitimité populaire ? Dans le cas où ces préalables ne sont pas satisfaits, quelle sera la stratégie du mouvement ? Si le gouvernement ne répond pas c'est qu'il n'a aucune intention d'être à l'écoute des populations. Le problème de la Kabylie est lié aux libertés démocratiques. Le refus de juger les assassins, par exemple, signifie que l'Etat de droit est inexistant et la résistance citoyenne devient alors légitime. On dit que la rue en Kabylie a accueilli favorablement la proposition de M. Ouyahia. Ne craignez-vous pas, aujourd'hui, un désaveu de sa part ? Rien ne permet d'affirmer, en l'absence de sondage, que la rue a accueilli favorablement l'appel d'Ouyahia. Si les citoyens se sont sacrifiés, c'est qu'ils n'envisagent pas de solutions en dehors d'un règlement sérieux et définitif de la crise. Maintenant, il est clair que nous sommes un mouvement horizontal qui représente de nombreuses sensibilités politiques. Ce qui a donné du poids et du crédit à notre mouvement, c'est le fait que nous nous sommes interdits toute substitution aux partis politiques et que nous avons mis des balises pour éviter toute sorte de récupération. En dehors de la citoyenneté que nous défendons, nous n'envisageons aucune autre finalité. Lors du dernier conclave d'Amizour, des divergences sont apparues entre les coordinations. Est-ce un début d'essoufflement, voire d'implosion du mouvement ? Il n'y a pas de risques d'implosion. Notre mouvement est transpartisan et arrête ses décisions par consensus. Depuis le début, nous avons réussi à surmonter tous les obstacles. Certes, des divergences sont parfois apparues, mais elles ont servi à promouvoir le débat au sein du mouvement, mais il n'y a jamais eu de désaccords sur l'essentiel. Maintenant, si un délégué veut faire de la politique, c'est légitime, mais il n'a qu'à le faire dans son parti. L'essentiel est qu'il se conforme au code d'honneur et aux principes directeurs du mouvement. Il ne faut pas oublier que c'est le ministre de l'Intérieur qui a tenté d'opposer le mouvement aux partis politiques au début du Printemps noir. R. B.