Le président de la République a passé sous silence les conditions posées par les archs pour l'amorce du dialogue. Des délégués s'expriment. À l'issue du Conseil des ministres, présidé dimanche dernier par M. Bouteflika, ce dernier a salué la volonté des archs de prendre part au dialogue qui est en cours de préparation, un dialogue destiné à la mise en œuvre de la plate-forme d'El-Kseur. Il a instruit le Chef du gouvernement, M. Ouyahia, de réunir toutes les conditions pour l'aboutissement du rendez-vous pouvoir-mouvement citoyen. Les observateurs politiques relèvent, cependant, dans cette déclaration du Président une maladresse politique et une précipitation. Ils attirent l'attention sur le fait que la Présidence bafoue l'un des plus importants préalables posés par le mouvement citoyen. La liberté d'expression de la presse indépendante et plus encore l'accès de la société civile aux médias lourds (Télévision et Radio). Ces points sont inscrits dans la plate-forme d'El-Kseur et ont été réitérés lors de la dernière Interwilayas tenue à M'chedallah (wilaya de Bouira). Le mouvement citoyen a conditionné sa caution au dialogue par le préalable indiscutable de la liberté de la presse. Qu'est-ce qui pousse le premier magistrat du pays à faire une telle déclaration alors que quatre quotidiens sont encore sous le coup d'une suspension arbitraire ? En effet, les journaux qui dénoncent et portent la contradiction sont quotidiennement harcelés et menacés de disparition. Il est à rappeler que les journaux Le Matin, L'Expression, Le Soir d'Algérie et Er-Raï sont encore interdits de parution sous prétexte de fallacieux arguments commerciaux. Or, les services de la présidence donnent l'air de ne pas prendre au sérieux ce préalable posé par le mouvement citoyen, auquel toute la société civile adhère. Contacté au sujet de cette sortie du premier magistrat du pays, le délégué des archs de la wilaya de Boumerdès, Rabah Boucetta, assure que la coordination de Boumerdès ne pourrait cautionner un dialogue dans ces conditions. Et de déclarer : “Ce grave dérapage de l'Etat est avant tout une remise en cause d'un des points portés par la plate-forme d'El-Kseur. Le préalable pour aller au dialogue est la satisfaction de celle-ci et ce comportement est un avant-goût de la mauvaise volonté de ce pouvoir. Les décisions prises au niveau de l'Interwilayas risquent d'être sérieusement compromises si les choses perdurent dans cette logique. La liberté de la presse reste l'une des revendications sur laquelle aucune concession ne pourrait être faite.” De son côté, Belaïd Abrika, faisant part de son inquiétude, relève que la liberté d'expression est l'un des points portés sur la plate-forme explicitée à Larbaâ Nath Irathen. “Il faut que M. Bouteflika sache, martèle le délégué, que le mouvement citoyen refusera de dialoguer tant que la presse indépendante en particulier et la liberté d'expression en général dans notre cher pays soient interdites et bâillonnées. Si le pouvoir persiste dans cette logique, le prochain conclave de l'Interwilayas pourrait remettre en cause les dernières décisions.” Il semble que le Président et ses conseillers veulent vraiment régler ce qu'ils appellent la crise. Bouteflika veut s'allier la Kabylie. En a-t-il les moyens et la franchise politique ? M. B.