“La Russie ne cédera pas” : c'est ce qu'a réitéré avec force le président russe, juste après le double attentat kamikaze sur l'aérodrome moscovite de Touchino où se déroulait un festival de rock. V. Poutine promet un tour de vis sécuritaire et le message n'est pas un simple avertissement. Tout porte à penser qu'une nouvelle offensive antiterroriste sera mise à exécution pour traquer les derniers repaires terroristes en Tchétchénie et annihiler leurs bases à Moscou et dans le reste de la Fédération de Russie. En annulant sa tournée asiatique, le président russe signifie qu'il prend les choses en main. La question aujourd'hui n'est pas tant la répression qui va s'abattre sur les terroristes tchétchènes mais son efficacité, les Russes dit-on, ayant usité toutes leurs forces de frappe contre ce phénomène. V. Poutine a dorénavant les coudées franches pour agir à sa guise, les Etats-Unis et l'Europe ne lui contestant plus le recours à la brutalité, mais pour tarir les soutiens dont bénéficie le terrorisme tchétchène, il a besoin de la franche coopération des riverains de la Tchétchénie qui, chacun pour des enjeux propres, a manipulé à sa guise les groupes terroristes en action dans l'Asie centrale. En vérité, tous appréhendent avec inquiétude la remontée de la Russie dans le palmarès des grandes puissances. La Géorgie et les autres républiques de l'Asie centrale ont peur d'être phagocytées par Moscou à qui Poutine a redonné un statut sur la scène internationale. Mais, aujourd'hui, elles ne peuvent pratiquement plus rien, la lutte antiterroriste étant devenue un objectif stratégique à l'échelle mondiale, sans compter que leur ouverture aux Etats-Unis est assujettie à cette ligne de démarcation. En outre, ces pays ne peuvent plus faire le grand écart, leurs dirigeants n'étant pas exempts de critiques pour manquements aux standards démocratiques. Le Kazakhstan et la Biélorussie sont mêmes sommés de ne pas laisser tomber leurs armements et équipements nucléaires entre de mauvaises mains. L'épouvantail d'une menace terroriste joue dorénavant à fond à Moscou où le ministre de l'Intérieur, un proche de Poutine, demande aux Russes de signaler tout mouvement suspect. Il y a peu, les autorités russes ont démantelé un réseau du groupe islamiste ousbek (Hizb tahrir) actif dans toute l'Asie centrale. Ce groupe est accusé par le FSB (ex-KGB) d'être lié à Al-Qaïda. Avec ce tableau de chasse, Poutine se voit bien à la tête de la lute antiterroriste dans toute la région qui constituait l'URSS. Il en a les moyens, et Bush, empêtré dans le bourbier irakien, n'y verrait pas d'inconvénients. Il l'a fait savoir à Saint Pétersbourg où il avait assisté au tricentenaire de la Russie impériale et à Evian, lors du sommet du G8 auquel la Russie de Poutine est membre à part entière. Bush serait d'autant plus satisfait qu'il s'était dépensé pour mettre en échec la formation du couple vieille Europe-Russie escompté par le Président français Jacques Chirac, lorsque celui-ci a essayé de se dresser devant l'unilatéralisme américain et que, aujourd'hui, il tente d'amener Moscou à adhérer le plus rapidement à l'OMC. De ce point de vue, rien ne s'oppose à la “feuille de route” tchétchène élaborée par Poutine. La petite république séparatiste fait partie de la Fédération de Russie depuis le référendum du 23 mars et, le 5 octobre prochain, se tiendront des élections présidentielles. Mais si la faisabilité de l'offensive antiterroriste ne pose plus problème, la question de la crédibilité de la démarche demeure entière. Grozny est une ville fantôme, et en guise de réponse à la menace de Poutine, les terroristes tchétchènes ont abattu un hélicoptère de l'armée russe. D. B.