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Biskra : la révolte de la “commune Méchoui”
Il y a une semaine la population de daoussen s'est soulevée. Notre reporter s'est rendu sur les lie
Publié dans Liberté le 17 - 07 - 2003

Pour la première fois de son histoire, la commune de Daoussen émerge à la surface du monde politiquement visible, à la faveur d'un véritable soulèvement populaire. De violents affrontements ont éclaté les 9 et 10 juillet derniers entre manifestants et gendarmes, faisant plusieurs blessés des deux côtés. Qu'est-ce qui a poussé de paisibles paysans à l'extrême ? Enquête.
Mercredi 9 juillet. Il est presque 20h. La population de cette commune de 24 000 habitants est en entier massée devant le portail du siège de l'APC. En face, le maire, le chef de daïra par intérim, des élus et autres notables. Et puis, tout autour, des gendarmes qui ont tout ce beau monde à l'œil. La population, jeunes, moins jeunes, diplômés au chômage, commerçants, fellahs, sont venus réclamer ce qu'ils ne cessent de quémander depuis l'Indépendance : leur… “part de 220 volts” comme ils disent. Ici, l'électricité est une affaire de survie. Les paysans actionnent leurs pompes à eau à l'énergie électrique. Or, un phénomène étrange a fait que, tout d'un coup, un nombre important de pompes ont été grillées. Les agriculteurs exigent une solution. Les sages du village préfèrent encore attendre les promesses des autorités.
Les jeunes, eux, sont sur le pied de guerre. Ils ne veulent plus écouter personne. Et ils viennent d'avoir l'occasion qu'ils attendaient depuis longtemps. Le chef de daïra de Sidi-Khaled, assurant l'intérim de celui de Ouled Jellal, parti en congé, avait avancé la promesse que, dans 48 heures, tout rentrerait dans l'ordre et l'alimentation en énergie électrique serait assurée dans de bonnes conditions. Les quarante-huit heures sont passées et toujours rien. Le ton monte. La foule chauffe. Des voix s'élèvent. Des clameurs. Le maire essaye comme il peut de calmer les esprits. Un gendarme commet la maladresse de sa vie : d'un coup de crosse, il fond sur un des plaignants. C'était la goutte qui fera embraser une foule survoltée, pressée d'en découdre avec les tenants de l'autorité. Les émeutiers allument des pneus et les dressent tout au long de la RN46 qui relie Biskra à Touggourt. Toute la population se soulève. Un ras-le-bol de 40 ans monte tel la lave d'un volcan déchaîné. Dans la foulée, le portail de l'APC est défoncé, le siège de la brigade de gendarmerie saccagé, des camions relevant du parc d'une entreprise locale sont incendiés. Le wali arrive en urgence. Rien n'y fait. Les incidents durent jusque tard dans la nuit. Les gendarmes ont dû tirer à balles réelles pour disperser les frondeurs. Les affrontements se soldent officiellement par 7 blessés, dont un jeune de 26 ans dont la jambe serait dans un sale état et qui risque l'amputation. En outre, douze personnes, dont des jeunes de 19 ans, ont été arrêtées et placées sous mandat de dépôt. Ils croupissent dans la prison de Ouled Jellal.
Le lendemain (jeudi 10 juillet), les jeunes reviennent à la charge. Une sale journée pour les gendarmes. Des tirs nourris ont ponctué encore cette journée où le soleil “tape sur le système”, avec des pointes de 45-46° à l'ombre. L'insolation a enfanté de l'insolence. Dans la nuit de dimanche à lundi (13-14 juillet), les émeutes ont de nouveau éclaté. Les gendarmes ont perquisitionné dans les maisons pour traquer les “agitateurs”. Des femmes ont en eu des malaises et des hausses de tension artérielle. Les villageois n'ont guère apprécié ces incursions nocturnes dans les limites de leur “horma”.
Lundi, deux cars des GIR (groupes d'intervention rapide) de la Gendarmerie nationale étaient déployés à l'entrée et à la sortie du village, contrôlant fermement l'axe routier. De mémoire de paisibles paysans, jamais autant d'uniformes n'ont investi le village, nous a-t-on assuré.
Dès le vendredi 11 juillet, un comité de citoyens est né. Il compte 25 membres. L'un d'eux, un jeune commerçant, affirme que les revendications du comité se résumaient en deux points “scellés et non négociables” : la libération des personnes arrêtées et le règlement, une fois pour toutes, de l'épineuse question de l'alimentation en énergie électrique.
Les pompes de la discorde
À Daoussen (qui se trouve, soit dit en passant, à près de 100 km de Biskra, dans la daïra de Ouled Jellal, sur la route de Touggourt, à plus de 400 km au sud-est d'Alger) comme dans les villages de la région, l'électricité est un mot-clé, un programme électoral à elle toute seule. Dans un patelin où vous ne pouvez pas vous passer de la “clim”, où l'eau est imbuvable si elle ne sort pas du congélateur, où il n'y a d'autre distraction pour les enfants et les jeunes que la télé, une ou deux salles de jeux et autant de cybercafés, on comprend aisément que le bonheur par ici marche à l'électricité. Encore que tout cela n'est que pur luxe dans leur échelle des privations.
Le fait est que Daoussen est une commune à 100% agricole. Ici, on est fellah de père en fils. Et la spécialité de la commune, comme à Tolga, c'est la datte, entendez bien sûr le nec plus ultra : deglet nour. Mais il pousse de tout ici. Là où le poivron caracole au hit-parade des prix, ici, il ne fait que 20 DA, voire moins. Tous les fruits et légumes poussent à l'envi. C'est un sublime jardin à perte de vue. La terre est d'une qualité surprenante. Le seul hic, c'est l'eau. La nappe est profonde. Le dernier forage coûte 500 à 600 millions de centimes. Et pour drainer l'eau, il faut soit des moteurs à gasoil qui consomment un fût de mazout/jour, soit des pompes immergées qui coûtent dans les 200 000 DA en moyenne. Celles-ci sautent comme des fusibles. Au bout d'un certain temps, elles cèdent.
Ainsi, dans la semaine allant du 5 au 12 juillet, les pompes qui ont grillé se comptaient par dizaines. Certains parlent de 100, de 150, voire de 200 pompes qui ont sauté. “Moi, j'ai perdu 4 pompes d'un seul coup”, affirme un agriculteur. Un autre renchérit : “J'ai dû remplacer les miennes illico presto pour la bagatelle de 45 millions de centimes. C'est ça ou c'est la mort de mes cultures.” Et tous les cent mètres, d'autres agriculteurs nous arrêtaient pour nous parler du même désastre qui menace leurs plantations. Et pour eux, l'explication est toute simple : les chutes de tension répétées. Un homme d'un certain âge est hors de lui. Il vient jeter à nos pieds quatre disjoncteurs et un dynamo. Tous grillés. Et d'arborer une facture d'électricité toute fraîche de plus de 48 000 DA. “Il y en a qui payent 12 millions de facture”, peste-t-il. Un autre abonde dans le même sens : “Nous avons toujours été bons payeurs. La commune de Daoussen à elle seule verse chaque année 5 milliards à la Sonelgaz. Mais quand il s'agit de nous alimenter correctement en énergie électrique, idjib Rabbi. Tout va à Ouled Jellal.”
Il faut noter que le 30 juin dernier, la Sonelgaz avait placé un poste-cabine à Ouled Jellal, d'une capacité de 20 millions de voltampères. Ce poste devait alimenter les daïras de Ouled Jellal et Sidi-Khaled, avec leurs communes respectives, celle de Daoussen en tête. Tout le monde attendait donc avec impatience de voir ce poste en marche, mettant ainsi fin à des années de bricolage. Finalement, l'électricité n'a pas été au rendez-vous, les perturbations en alimentation ayant persisté pour cause de réglages inévitables. Pis, les villageois croient dur comme fer qu'il existe un lien de cause à effet entre ces perturbations et les défaillances en série qui ont touché leurs pompes. Ils réclament réparation auprès de la Sonelgaz et exigent des autorités de mettre le holà à une situation qui perdure depuis pratiquement l'Indépendance.
“Houna tantahi el-hayat”
Si les jardins de Daoussen font rêver, ce n'est point le cas du village proprement dit. La commune manque de tout, comme le résume cette lettre de doléances que nous a remise un citoyen : “Aucune infrastructure pour les jeunes, pas de piscine, pas de Maison de la culture, pas de stade, pas de centre de formation professionnelle, pas d'eau potable, pas d'électricité, pas de gaz de ville, les impôts nous ont ruinés, les responsables nous ont délaissés, les routes sont impraticables, le réseau AEP laisse à désirer, pas de décharge publique, pas de structure de santé, l'hôpital qui devait être construit à Daoussen a été détourné au profit de Ouled Jellal.” Et la liste est longue… Un vendeur de pastèques est particulièrement loquace et son verbe ne manque pas de piment. “J'espère qu'on ne vous a pas soudoyé avec un méchoui arrosé à la sauce “tout-va-bien”, comme le font habituellement les notables du village chaque fois qu'un hurluberlu passe dans le coin”, dit-il en guise de bienvenue. “Nous sommes la cuisine de Biskra : chaque fois qu'un ministre ou un wali passe, on vient ici pour lui égorger 18 moutons, et les dividendes, ce sont Ouled Jellal et les autres villes qui les récoltent. Nous, nous sommes là juste pour la ripaille et la bamboche”, poursuit-il avec un zeste d'impertinence.
Les agriculteurs attendent maintenant une réponse concrète.
Les réunions se succèdent. Avec le wali, avec la Sonelgaz. Celle-ci a promis que le réseau sera stable dans un temps raisonnable (voir encadré). Les petits paysans, ceux qui n'ont pas les moyens de renouveler chaque moi leur pompe, se posent la question : “Que vont devenir nos palmiers ?” “C'est en cette saison que la deglet nour a besoin de plus d'eau, sinon, on va cueillir des dattes mortes en septembre”, disent-ils.
Les familles des détenus attendent, quant à elles, qu'on libère leurs enfants. Des mômes dont le seul tort est d'avoir réclamé un peu d'électricité, d'eau et de dignité…
M. B.
Haï Tafachna, un quartier plongé dans le noir
Haï Tafachna est le plus grand quartier de Daoussen. Ce patelin à moitié bidonvillesque respire la désolation. En plein 2003, les habitants de ce ghetto (au moins 200 maisons) végètent dans le noir. Ils continuent à s'éclairer à la lueur vacillante d'une bougie. La plupart ont procédé à des raccordements sauvages et l'on peut voir, çà et là, des câbles traînant par terre sur des dizaines de mètres, si bien que ceux qui ont la chance de recevoir un peu d'électricité chez eux n'ont que des ampoules pâlichonnes. Les enfants jouent dans la poussière, quand ils ne croisent pas carrément des scorpions. La région, rappelons-le, est infestée des arachnides les plus redoutables d'Algérie. L'hygiène est l'absent suprême. Les hommes vivent avec les bêtes. Un gazoduc passe à quelques kilomètres, pourtant, le gaz de ville n'existe pas dans le dictionnaire de ces Algériens oubliés par l'Indépendance.
M. B.


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