Ceux qui voulaient faire réagir l'armée, en ont eu pour leur argent : la grande muette a été plus que loquace. Sans être éloquente. Même le discours autorisé disait-on tant attendu du général Touati a su souffrir toutes les interprétations. Si bien que les manchettes du lendemain proposaient une position, son contraire et leur intermédiaire. Bien fait pour ceux qui ne se prononcent que par procuration. L'Algérien qui, depuis bien longtemps, a cessé de se prendre en charge pour s'accrocher aux oracles sera déçu mais n'en voudra qu'à lui-même. Pourquoi une armée, à l'occasion suspectée ou décriée, est-elle attendue pour rectifier un choix qu'on ne lui a pas contestée ? Il a raison, Bouteflika, d'opposer à la controverse, réelle ou supposée, la volonté du peuple, puisque l'électorat n'a pas su prévenir la dérive contenue dans son programme. Quand on peut arracher le standing ovation, comme à Biskra il y a quelques jours, à tout le gratin universitaire de la région est du pays, on est en droit de rejeter les objections faites à sa politique. Eh bien voilà : le monde militaire sait aussi être parleur sans s'engager, sinon dans des limites qu'il ne cesse de rappeler : quand les fondements de la nation sont menacés. Allez savoir à quel moment ! Si la démocratie a failli, c'est bien parce que nous n'avons même pas protesté contre le détournement de nos voix. Quand une société sait s'accommoder de partis politiques activant à l'économie, jusqu'à concilier leur partage du pouvoir et la contestation, jusqu'à jumeler le discours dénonciateur et l'arrangement dissimulé, de quel droit impose-t-elle procuration à une armée pour couvrir une défaillance politique patente ? Un mouvement citoyen, en Kabylie, a voulu dépasser le piège de la citoyenneté de forme pour prendre sur lui-même de forcer le changement, il n'a récolté que la compréhension passive et l'isolement dédaigneux, quand ce n'est pas le parti pris hostile, propres aux gens qui n'aiment pas voir le négatif de leur paresse citoyenne. Tant pis si le vent souffle de tous les côtés, gênant les opportunismes. Il faudrait bien qu'un jour l'Algérien consente à s'investir lui-même au lieu de passer son temps à chercher le meilleur placement — que dis-je ? — le placement le moins risqué. Quand la désertion se répand dans une société, ce sont les extrémismes qui occupent l'espace ainsi libéré. Et c'est cette apathie, devenue culturelle, qui nous livre au culot des fanatismes et de la bêtise. À force de se complaire dans la mentalité d'assistés, nous voilà devenus un peuple qui doit constamment être… sauvé. La culture du sauve-qui-peut n'est pas compatible avec la prétention aux grands desseins dont nous nous prévalons. Verbalement, nous aussi. M. H. [email protected]