Grâce au choix de Nima Sarkechik et Pierre Laniau, le public nombreux du CCF d'Alger a découvert le talent, l'humour et l'impertinence d'Erik Satie. Un compositeur qui a réussi à dépoussiérer un peu le répertoire classique. Le Centre culturel français d'Alger a abrité avant-hier soir un magnifique concert classique dispensé par le duo Nima Sarkechik, qui s'est illustré au piano, et Pierre Laniau, qui a excellé dans le jeu de guitare. Ce compositeur et pianiste français qui a eu la chance et/ou malchance (c'est selon) de vivre aux XIXe et XXe siècles entretenait un rapport très particuliers avec l'humour, et les textes qui ont été dits au cours de cette soirée le démontrent largement. Les deux musiciens ont revisité les compositions d'Erik Satie. Le programme d'une heure dix minutes a été entamé par 3 Gymnopédies : des pièces méditatives, empreintes de tristesse et de mélancolie. Jusque-là, le public assiste attentif aux sons et aux tonalités, tout en méditant sur le passé, le présent et l'avenir. Pierre Laniau dispense cette partie du programme en solo, puis abandonne son instrument quelques minutes et se met à déclamer et dire un texte. Ce dernier est drôle, pétillant et mordant. En fait, Erik Satie a écrit des textes qui accompagnent ses musiques, mais il souhaitait que les textes soient lus indépendamment de la musique. En braves garçons, les deux musiciens s'exécutent. Le texte est d'abord récité, puis Nima Sarkechik se charge d'interpréter au piano Valse Ballet , qui s'articule autour de quatre pièces, notamment Fantaisie Valse, Menus propos enfantins, Enfantillages pittoresques et Peccadilles Importunes. Virtuose, Nima Sarkechik s'illustre dans ce solo et parvient à transporter l'assistance et à l'emporter dans un univers à la fois festif, jouissif et jubilatoire. Puis soudain, et comme possédés par le “démon de minuit”, Nima Sarkechik et Pierre Laniau décident d'enfreindre les règles posées par Erik Satie. Ils ont déclamé ses textes en même temps que la musique. Excellent ! Cependant, cette idée subversive n'est pas si excellente que cela, puisqu'au moment où le spectateur se concentre sur le texte, il oublie carrément la musique, en inversement proportionnel. Lorsqu'on se concentre sur les sonorités, on oublie complètement le texte. Ce dernier a également un très grand rôle et son propos est loin d'être anodin ou encore banal. En fait, Erik Satie utilise le lieu commun : des expressions et phrases qu'on dit souvent inconsciemment. Toutes faites et conservées dans notre subconscient et qu'on utilise de manière inconsciente. Erik Satie titille par là notre sensibilité et nous invite à aller au-delà des mots et du sens immédiat. Et c'est à ce moment-là qu'intervient la musique. Les textes préparent l'être à un voyage au bout de lui-même. La musique d'Erik Satie propose donc à l'auditoire une introspection dans le moi-profond, d'où son insistance sur la séparation entre le texte et la musique. Nima Sarkechik et Pierre Laniau ont joué ensemble et ont terminé leur prestation par une musique méditative, pour boucler la boucle, sans doute. Un joli concert qui invite à la méditation, et où l'humeur est passée de “l'infiniment méditatif à l'infiniment joyeux”.