Cela fait des années que la question du retour des compétences nationales installées à l'étranger se pose. Séminaires, regroupements, symposiums, le problème a été débattu sous toutes ses facettes sans qu'une dynamique significative ne se dessine. Cette problématique a-t-elle été cernée dans ses causes fondamentales ? La volonté politique de prise en charge de cette question, affirmée par les pouvoirs publics à maintes occasions, et souvent au plus haut niveau de l'Etat, n'a pas trouvé d'écho auprès de cette communauté scientifique. En vérité, les scientifiques algériens, les entrepreneurs algériens, les inventeurs, les éminents spécialistes algériens en médecine, exerçant en Amérique, en Europe et dans d'autres contrées, souvent par la force des choses ou par les pesanteurs de l'histoire, réclament plus, et c'est légitime ! Ils sont en droit de se poser la question de savoir pourquoi leur pays fait appel à des bureaux étrangers dans les domaines des études, du marketing, du management, de la prospective et dans celui du technique et de l'entreprenariat… sans qu'ils soient associés à cette dynamique. S'agit-il d'une demande de besoins nouveaux en réponse à des exigences nouvelles induites par l'ouverture économique ? Faut-il comprendre que nos compétences ne sont pas encore imprégnées de ce nouveau savoir-faire, ou alors manquerions-nous de confiance en nous-mêmes ? L'impression qui se dégage de ce qui a été fait dans ce domaine semble le confirmer. Et pourtant notre pays dispose d'un important réservoir de compétences pluridisciplinaires installées localement et disséminées partout dans le monde. Cette fabuleuse richesse que beaucoup de pays nous envient, et qui est le fruit des investissements énormes que l'Algérie a consentis, dans les secteurs de l'éducation, de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique et technique, n'est pas mise à contribution de façon optimale dans la réalisation des actions du développement national. La majeure partie des projets sectoriels ou multisectoriels confiés à l'Union européenne dans le cadre de la coopération et à travers les unités d'appui aux programmes de développement, pour ne citer que ceux-là, sont réalisés par les experts algériens locaux qualifiés “d'experts juniors” pour ne pouvoir prétendre aux rémunérations des “experts principaux étrangers” qui s'arrogent les titres de chefs de projet, chefs d'équipe… Quand un expert étranger perçoit 1 000 euros/jour, l'expert algérien, lui, ne perçoit que 150 à 200 euros/jour. Pourtant, dans la plupart des cas, les deux experts sont à qualification égale et parfois même l'expert algérien dispose d'une qualification supérieure, en plus d'une connaissance avérée du contexte national. Des associations, des réseaux se sont constitués pour capter cette intelligence algérienne qui se trouve à l'étranger sans résultats palpables. Il ne s'agit donc pas de titiller le sentiment national pour que ces génies accourent, faut-il pour autant leur offrir un minimum de conditions attractives. À ce propos, il est intéressant de méditer l'exemple des joueurs de football algériens évoluant à l'étranger et qui endossent fièrement les couleurs nationales en conciliant leurs exigences matérielles et leur appartenance identitaire et patriotique. Cette belle aventure, qui semble réussir, est rendue possible grâce aux conditions matérielles, techniques et morales que leur pays leur a offertes. Les génies algériens opérant à l'étranger et qui sont versés dans les activités novatrices à forte valeur ajoutée et génératrices d'emplois (énergies renouvelables, nouvelles technologies de l'information et de la communication, environnement…) doivent bénéficier des mêmes conditions attractives que leurs compatriotes footballeurs. Cela signifie des mesures incitatives de nature matérielle, financière et morale. Il s'agira également de trouver des passerelles entre les compétences locales et celles installées à l'étranger de façon à créer des effets de synergie et de complémentarité dans la faisabilité des actions d'intérêt national. Le tissu de PME et PMI que les pouvoirs publics souhaitent renforcer au niveau national dans le cadre de la stratégie industrielle, de relance de la croissance et de la création d'emplois, constituera le réceptacle du génie national insuffisamment exploité. Parallèlement à cette démarche, une diaspora algérienne, à l'instar des Chinois et des Libanais, devra être encouragée partout où elle se trouve et que le pays sollicitera chaque fois que nécessaire. A. H.