Les membres de la Coordination intercommunale de Béjaïa (CICB) qui se sont réunis, ce week-end, en conclave extraordinaire à Sidi-Aïch, se sont, encore une fois, montrés réticents, voire méfiants à propos de l'invitation au dialogue faite récemment, depuis Sétif, par le chef de l'Etat au mouvement citoyen de Kabylie pour la mise en œuvre de la plate-forme d'El-Kseur. En effet, dans sa déclaration politique, rendue publique à l'issue des travaux de cette rencontre, la CICB estime que “cette invitation publique et officielle aurait constitué le premier jalon vers la solution définitive de la crise, si elle n'était pas assortie d'un préalable dont les non-dits sont pour le moins révélateurs de la culture de l'intrigue chère au système”. Le préalable dont parle la CICB reste la condition posée par Bouteflika qui exclut toute discussion autour de points qui “porteraient atteinte à l'intégrité territoriale de l'Algérie ou à l'unité nationale”. Cette “insinuation” faite par le président Bouteflika est perçue par la CICB comme “une insulte à une région dont le sens patriotique est inscrit en lettres d'or dans l'histoire de l'Algérie et à un mouvement dont l'accession à la citoyenneté entière à tout le peuple algérien est le credo”. Pour les délégués de la CICB, “ces insinuations tendant à charcuter le projet de société que véhicule la plate-forme d'El-Kseur ne peuvent mettre en confiance le mouvement citoyen”. Ainsi, la réserve de Bouteflika est donc considérée comme un cheveu sur la soupe dès lors qu'elle constitue la pierre d'achoppement à une amorce de dialogue qui aurait permis le dénouement de la crise de Kabylie. Par ailleurs, “la CICB constate avec regret que la réponse à la déclaration politique de l'Interwilayas d'Amizour reste en deçà des attentes des populations eu égard aux sacrifices consentis”. À ce titre, les délégués tiennent à rappeler que leurs préalables ne sont pas encore satisfaits, à partir du moment où certains animateurs du mouvement citoyen demeurent incarcérés à ce jour, à l'image des cinq jeunes de Kherrata emprisonnés à Sétif, alors que de nombreux délégués se trouvent toujours sous des contraintes judiciaires (liberté provisoire et contrôle judiciaire). Selon certains membres de la CICB, à l'instar de la Coordination communale d'Akbou, ce geste tardif du premier magistrat du pays ne peut que s'inscrire dans un contexte électoraliste, puisqu'il intervient au moment où le chef de l'Etat se livre à une campagne électorale prématurée. Lors des débats de la plénière, Ali Gherbi, le porte-parole du Comité de la société civile (CSC) d'El-Kseur, prévient ses camarades des enjeux politiques que renferme l'élection présidentielle de 2004. “Bouteflika veut ramener la région de Kabylie à boycotter cette échéance électorale afin de s'assurer un deuxième mandat”, affirme le délégué d'El-Kseur qui tient à rappeler le scénario d'avril 1999, où ce même Bouteflika a été sacré président de la République et ce, malgré le retrait de tous les candidats d'alors. Le représentant du Comité communal d'Amizour évoque, quant à lui, le principe initial du mouvement des archs qui exige du premier magistrat du pays un engagement solennel à satisfaire pleinement la plate-forme d'El-Kseur. Beaucoup d'appréhensions ont été constatées dans les interventions de plusieurs autres délégués qui qualifient l'appel au dialogue lancé par Bouteflika de “leurre” qui cache mal la mauvaise foi du pouvoir en place. D'aucuns relèvent également les “contradictions flagrantes” existant entre le discours de Bouteflika et celui de son Chef du gouvernement. Sinon comment expliquer le fait que Ahmed Ouyahia, dans son discours prononcé à l'APN et invitant les délégués des archs de Kabylie au dialogue, avait fait l'éloge du mouvement citoyen en qualifiant ses animateurs de “patriotes exemplaires”, tandis que le président de la République ne s'est pas empêché d'évoquer, à partir de Sétif, “des points qui portent atteinte à l'unité du peuple algérien et à l‘intégrité territoriale du pays”. En voulant rejeter la balle dans le camp du pouvoir, “la CICB tient à réitérer sa disponibilité à aller vers un dialogue réel et responsable entre frères algériens pour peu qu'un engagement sans équivoque pour la satisfaction pleine et entière de la plate-forme d'El-Kseur scellée et non négociable, vienne lever le climat de doute qui s'y est installé entravant ainsi sa mise en œuvre définitive”. Enfin, la CICB s'élève “contre les menaces proférées à l'encontre de la presse indépendante, à laquelle elle exprime sa solidarité tout en l'assurant de son appui”. K. O.