Les milieux politiques et médiatiques algériens ont fait cette semaine deux types de lecture différents, voire opposés des résultats de la “revue” annuelle du Fonds monétaire international (FMI) exposés par son chef de la mission pour l'Algérie, Joël Toujas-Bernaté. Les uns n'y ont retenu que le taux élevé de 25% de chômage chez les jeunes. Quant aux autres, ils mettent en avant la “croissance exceptionnelle” de 9% hors hydrocarbures pour 2009 en concédant cependant une progression globale du PIB plus modeste avec 2% seulement due à la croissance négative de 6 à 7% du secteur des hydrocarbures. En vérité, l'intérêt de l'analyse aurait résidé, de mon point de vue, non pas à ne présenter qu'un verre à moitié vide ou qu'un verre à moitié plein, mais à comprendre les démarches qui sous-tendent les dits et les non-dits du FMI. J'ai relevé deux éléments significatifs à cet égard. Pour le premier, on peut se demander pourquoi Joël Toujas-Bernaté a choisi, dans l'un de ses rares jugements sur la conduite de la gouvernance économique algérienne, de ne parler que des effets d'éviction de l'obligation de majorité sur les IDE en Algérie. Cela d'autant qu'il sait parfaitement que son institution est à la recherche de fonds notamment sous forme d'obligations — auxquelles l'Algérie va probablement souscrire — pour aider certains pays de l'est de l'Europe en crise grave du fait précisément d'un reflux massif et brutal des IDE. Le dernier rapport de la Cnuced est édifiant à cet égard. Il dit de façon très directe deux choses importantes qui sont au cœur de nos problématiques industrielles. D'abord qu'“il n'est pas clair que les opérateurs privés soient en mesure de participer à 51%, même s'ils se mettent à plusieurs” et qu'ensuite “il faudrait faire appel au partenariat public qui n'est pas toujours le partenaire naturel pour les investisseurs étrangers”. À ce propos, je persiste à croire que ce qui compte d'abord dans les critères d'implantation des IDE, c'est avant tout celui du niveau et du volume des profits générés par l'opération considérée, le “pay back” et le “return on invest” pour reprendre les indicateurs anglo-saxons. Ce n'est qu'ensuite qu'intervient le critère du nombre d'actions détenues dans l'investissement puisque la gouvernance de l'affaire peut être assurée par l'investisseur étranger, y compris s'il ne dispose pas de la majorité absolue. L'autre argument avancé concernant le fait que les partenariats avec des entreprises publiques ont un effet repoussoir sur les IDE me paraît quant à lui complètement décalé du fait même de la nature des solutions initiées pour sortir de la crise. En effet, même les pays développés les plus libéraux mettent en place, à l'instar de la France, des fonds d'investissements publics pour intervenir dans les sphères marchandes bancaires et industrielles et font appel aux fonds souverains publics étrangers, à l'instar des Etats-Unis et de l'Angleterre, sans que personne ne trouve à redire. Le deuxième argument avancé est encore plus paradoxal. Le paradoxe réside dans le fait de considérer que le secteur privé algérien, de par sa taille actuelle, n'est pas en mesure de conduire des opérations de partenariat tout en considérant en même temps qu'il faudra initier la “mise en place de politiques favorisant l'émergence d'un secteur privé dynamique et compétitif” ! Je vois mal comment il va émerger si la fenêtre de tir actuelle n'est pas mise à profit pour développer précisément ses capacités en vue de lui donner une taille critique. Le deuxième élément concerne l'appréciation pour 2009 portant sur le “premier déficit budgétaire de la décennie, qui pourrait atteindre 8,4% du PIB contre un surplus de 8,1% en 2008”. D'abord, l'année 2008 doit être considérée, du point de vue de l'analyse comparative hors épure, comme disent les mathématiciens, du fait des prix moyens exceptionnellement élevés. Ensuite en 2009, c'est plus la diminution volontaire des quantités d'hydrocarbures à exporter du fait des décisions de l'Opep qui a contribué pour une part importante à la baisse du volume de la fiscalité pétrolière établie sur un prix de référence de 37 dollars le baril que la baisse elle-même des prix enregistrée le premier semestre. De toute manière, ce déficit est absorbé par les ressources du Fonds de régulation des recettes (FRR). En revanche, je suis plus inquiet sur la gestion à moyen terme des déficits publics colossaux des Etats-Unis et des grands pays de l'Union européenne (UE) et de leurs effets “globaux”. Sur ce sujet, certains analystes sont pessimistes dont Jacques Attali qui écrit dans son dernier livre, Survivre aux crises publié chez Fayard, que le scénario en “W”, c'est-à-dire retomber dans la crise, n'est pas encore exclu. D'autres plus cyniques pensent que le reste du monde, entendez par là la Chine et les pays exportateurs d'hydrocarbures, et les prochaines générations les prendront en charge. Quant au FMI, il reste prudent. Cela rappelle à certains la morale de la fable de La Fontaine sur “les animaux malades de la peste”.