Selon Robert Barbault, spécialiste de la biodiversité et professeur au Muséum national d'histoire naturelle de Paris, repris par Science et vie : “L'ennui c'est que ces extinctions révèlent l'affaiblissement général du tissu vivant de la planète qu'est la biosphère, dont les espèces constituent des sortes de mailles.” Le chercheur a tenté d'expliquer la dépendance de l'homme à l'égard de la nature et de la biodiversité qui représentent un capital irremplaçable (fourniture de bois, elles stabilisent le climat, régulent l'érosion et les inondations, fixent le sol, hébergent des organismes rares servant à l'amélioration des plantes agricoles et à la production de molécules pharmaceutiques, etc.). En perdant du terrain, les forêts ne peuvent continuer à être des puits de carbone efficients restreignant ainsi les services environnementaux. Or, la diversité biologique de notre planète disparaît à un rythme alarmant à tel point que les scientifiques qualifient cette catastrophe écologique de sixième extinction massive des espèces dans l'histoire de la planète. “Les chercheurs considèrent que chaque année (02) espèces sur 1000 disparaissent. Et si à ce jour seulement quelque 1,75 million d'espèces ont été répertoriées et officiellement dénommées, la planète en hébergerait en fait entre 15 à 90 millions selon les estimations. L'Algérie de par l'étendue de sa superficie et la diversité de ces paysages héberge une grande richesse floristique et faunistique dont une grande partie hélas est menacée”, souligne M'Hamed Gouichiche, conservateur au Centre cynégétique de Zéralda. Notre interlocuteur nous apprend que parmi la flore, 139 espèces végétales endémiques en été inventoriées, la plus riche en Afrique du Nord. La faune mammalienne algérienne regroupe 107 espèces dont 33 sont menacées à l'instar du cerf de Berbérie, du mouflon à manchette, de toutes les gazelles, de la loutre, du singe-magot et du phoque-moine. En revanche, trois ont totalement disparu, à savoir le lion de l'Atlas, la panthère et l'oryx. L'avifaune regroupe 406 espèces dont 47 est menacées dont la cigogne noire, l'outarde houbara, le gypaète barbu, le vautour fauve, la sarcelle marbrée et l'erismature à tête blanche et trois sont considérés comme éteintes comme la demoiselle de Numidie, l'ibis chauve et l'autruche. Le spécialiste rappelle dans ce sillage que toutes les espèces menacées sont protégées par la loi. “Il n' ya donc pas de vide juridique”, précise-t-il - décret N° 83-509 du 20 août 1983 et l'arrêté du 17 janvier 1995, relatif aux espèces animales non domestiques ; la loi 04/07 relative à la chasse dans son article 92 stipule que quiconque chasse les espèces animales protégées ou les délie, les transporte, les colporte, les utilise, les vend ou les achète ou les met en vente ou les naturalise, est puni d'un emprisonnement de deux à six mois et d'une amende de 10 000 à 100 000 DA. Il existe aussi les décrets de création des parcs nationaux et des aires protégées dont le but principal est la préservation des espèces et leurs habitats. Ainsi, dix parcs nationaux ont vu le jour à Tlemcen, Theniet El Had, Chréa Durdjura, Gouraya, Taza, Bellezma, El Kala, l'Ahaggar et le Tassili et leparc de l'Akfadou qui est en projet. Citons également les quatre réserves de chasse de Tlemcen, Zéralda, Mascara et Djelfa et enfin la réserve de biosphère de Réghaïa. Notre interlocuteur déplore le fait qu'en dépit de l'arsenal juridique et légal, la faune continue de subir les agressions de l'homme. “Ces agressions sont principalement de deux sortes. La première est indirecte, elle affecte leur habitat. C'est la conséquence de l'urbanisation, du développement des infrastructures routières et des industries qui provoquent le morcellement et la disparition des habitats. S'il est oiseux de démontrer l'intérêt de ces facteurs de développement, il est possible de concilier entre développement et préservation de la biodiversité” argue M. Gouichiche et de poursuivre : “La deuxième agression est directe : elle est la conséquence des braconniers qui en font un commerce illicite. C'est le cas du chardonneret. Ce passereau largement répandu il y a une vingtaine d'années est aujourd'hui en voie d'extinction. Seules deux régions du pays connaissent encore des populations assez bien conservées.” L'écureuil deBerbérie, endémique en Algérie n'est pas en reste. La plupart des animaleries le proposent à des clients en quête d'exotisme. Idem pour les singes-magots, les fennecs, les fouettes queues, les varans du désert, etc. Il arrive que la police de la préservation de la faune arrête des contrevenants en possession de l'un des animaux cités. Ces derniers sont orientés et pris en charge par des établissements spécialisés. C'est souvent le cas pour le Centre cynégétique de Zéralda qui s'attelle dans la mesure du possible à les remettre en liberté et dans leur lieu de distribution naturelle. “Je signale à ce propos qu'une hyène rayée blessée dans la commune de N'haoua à Blida a été relâchée après un séjour et des soins pendant un mois dans notre établissement en janvier 2003. Ou encore les milans noirs et les aigles bottés dans la réserve de chasse de Zéralda, les fouettes queues à El Bayadh et récemment les écureuils de Berbérie dans la réserve de chasse de Tlemcen…” conclut M. M'Hamed qui insiste sur l'importance de la sensibilisation qui devrait se faire en amont pour mettre fin ou réduire ces agressions. Le tout étant de pas les acheter ou d'empêcher les proches de le faire. Nahla R.