Elle est unique. Elle ne connaît pas sa pareille. Aucune autre cité n'a, à la fois, cette orientation, cette position, ce climat, cette précise architecture, soulignait, émerveillé, André Ravereau. Pour Hassan Ibn Mohammed al-Wazzan, appelé plus communément Léon l'Africain, “ses murailles sont splendides et extrêmement fortes, alors qu'elle possède de belles maisons et des marchés bien ordonnés dans lesquelles chaque profession a son emplacement particulier”. Lorsqu'à à l'issue d'une réunion tenue en décembre 1992 à Santa Fe aux Etats-Unis la Casbah d'Alger était inscrite au patrimoine universel par l'Unesco, l'Algérie venait, on s'en doute, de remporter une éclatante victoire sur l'acculturation et l'indifférence des clercs. Ceux-là mêmes qui ont vite fait d'oublier qu'œuvrer pour le sauvetage d'une cité plusieurs fois millénaire, c'est aussi s'impliquer irréversiblement pour la pérennité des autres médinas du pays. Mais que de recul enregistré depuis cette date historique à l'instigation de la culture de l'oubli et de la haine de la citadinité ! Le choix des mots est loin d'être fortuit tant le tissu de nos mémoires et celui de nos villes ont subi des mutilations atroces. Que d'indifférence à l'égard d'un haut fait civilisationnel et culturel réduit à sa plus simple expression par la bêtise des uns et la barbarie des autres ! La situation à tout le moins apocalyptique de la Casbah d'Alger ne cesse de préoccuper ses nombreux défenseurs, nationaux comme étrangers. Malgré le fait avéré qu'une large mobilisation de patriotes originaires de tous les coins du pays, avec à leur tête le général-major Mostefa Belloucif, et qu'un véritable arsenal juridique aient été mis en branle à l'effet, sinon de sauver le site, du moins de le préserver d'une lente agonie. L'hommage qui sera rendu à la médina chère à Sidi Abderrahmane At-Thaâlibi dans un pays, la Chine, où la tradition continue à avoir ses lettres de noblesse, sera-t-il de nature à rappeler aux bons souvenirs de nos décideurs la situation à tout le moins anachronique d'un espace civilisationnel et historique nous tenant à cœur ? La présentation de la maquette le 31 juillet 2010 à Shanghai, comme annoncé par Mohammed Bensalem, le commissaire général algérien à l'Expo universelle constitue-t-elle une sorte de prélude à une volonté politique d'en découdre avec les méfaits de la mémoire ankylosée ? Pour la Fondation Casbah, il n'y a pas l'ombre d'un doute. Belkacem Babaci, son président, insiste sur le rôle joué par Ahmed Ouyahia, alors chef du gouvernement, dans la relance de l'idée de sauvegarde de la Casbah. C'est à l'occasion de la commémoration de la Journée nationale de la Casbah, le 23 février 1998, renchérit Ali Mebtouche, son prédécesseur, que l'opération de réhabilitation est décidée. D'importantes mesures sont prises avec, à la clef, l'élaboration d'un plan permanent de sauvegarde et de mise en valeur. Alors que la Fondation dépose sur le bureau du chef du gouvernement un plan d'intervention avec son découpage en cinq îlots. Chérif Rahmani est chargé de la concrétisation du projet en question. Un projet dont la réalisation est confiée à une nouvelle structure, la délégation à la Casbah. Des lendemains meilleurs feront rêver plus d'un, surtout que des centaines de familles se voient attribuer des logements. De courte durée, cette opération d'envergure le sera, malheureusement, à la suite de la nomination d'un nouveau wali qui n'attendra pas longtemps pour mettre un frein à la concrétisation de la feuille de route, pourtant héritée de son prédécesseur. A. M. [email protected]