Régler l'affaire du Sahara occidental en échange d'un soutien pour sa candidature à la présidentielle de 2004. Telle est la grande cause que Bouteflika devrait plaider aujourd'hui à Paris auprès de son homologue français Jacques Chirac. L'entretien entre les deux Présidents porterait essentiellement sur la question sahraouie. La mission du Président algérien est de favoriser l'option d'une troisième voie, option plaidée par l'ancien secrétaire d'Etat américain, James Baker, le Monsieur Sahara auprès de l'ONU depuis 1997. L'homme qui sera en charge de revoir le plan de paix de Baker n'est autre que Mohamed Bejaoui, président du Conseil institutionnel. Bejaoui aurait à revoir les modalités du plan principalement axées sur deux questions : élargir la durée transitoire avant le référendum ainsi que l'âge des personnes éligibles. L'ancien juge à la Cour international de La Haye, désormais une des éminences grises de Bouteflika, proposerait une période de transition allant de 6 à 7 ans. Les personnes âgées de moins de 25 ans ne pourront voter. Bejaoui assisterait à l'entrevue entre Chirac et Bouteflika. Lors d'un de ses déplacements aux Etats-Unis, le Président algérien a fait une escale à Houston pour rencontrer James Baker. Dans les bagages de Bouteflika, un document, un “non-paper”, document non officiel, proposant le partage du Sahara en deux tranches : les Marocains prendront le Nord et les Sahraouis le Sud. Abdelaziz Bouteflika trouvera donc en Jacques Chirac une oreille attentive et un soutien efficace. Le Président français ne fait pas mystère de ses amitiés avec le roi Mohamed VI, souverain dont on dit qu'il est sous protection bienveillante et amicale de Chirac. A cet égard, la position française sur la crise au Sahara occidental ne souffre pas de d'ambiguïté : Paris a toujours partagé la position de Rabat quant au principe de “l'intégrité territoriale” du Maroc sur les territoires. L'un des principaux piliers du lobby marocain en France n'est autre que Xavier de Villepin, père de l'actuel ministre des Affaires étrangères françaises, Dominique de Villepin. Ancien chef du bureau arabe au Maroc, De Villepin, père, a noué de solides amitiés au sein de la classe politique française. Rabat compte ainsi s'appuyer sur Jacques Chirac afin d'amener Bouteflika à faire pression sur les Sahraouis. Ces derniers seraient en toute vraisemblance priés d'enterrer le principe d'un référendum d'autodétermination, du reste totalement rejeté et combattu par les Marocains. Le Président algérien n'y verrait pas d'inconvénient à une seule condition : que Chirac lui renvoie l'ascenseur en 2004. Ayant clairement affiché sa volonté d'être reconduit pour un second mandat, Bouteflika attend du Président français un coup de pouce. La sollicitation a été faite lors du Sommet de la francophonie à Beyrouth. Selon les indiscrétions de Chirac, non démenties tant par Alger que par Paris, le Président algérien a demandé à celui-ci de soutenir sa candidature pour la présidentielle de 2004. A charge pour Bouteflika de débarrasser l'Algérie de l'emprise de l'armée et de ses généraux. Reste une question : Bouteflika “vendra-t-il” le Sahara en son nom ou parlera-t-il au nom de l'Algérie ? Officiellement, la position de l'Algérie consiste à s'en tenir à l'application des résolutions des Nations unies. Pour autant, par le passé, l'actuel président, ancien chef de la diplomatie algérienne, s'est illustré par des positions qui lui auraient valu des divergences profondes avec Boumediene. En rencontrant un ancien président algérien, des chefs d'Etat africains lui font cette confidence : “Sur le Sahara occidental, Boumediene tenait un discours et Bouteflika un autre.” A Paris aujourd'hui, le Président algérien aurait donc bien expliqué son discours à Chirac. Le lendemain, c'est son ministre des Affaires étrangères, Abdelaziz Belkhadem, qui aura à rencontrer son homologue marocain à Rabat. Il y a de ces hasards de calendrier… F. A.