Les autorités financières algériennes semblent, depuis quelques années, parvenues à la conclusion que le développement du secteur des assurances en Algérie ne peut pas être confié aux seules compagnies d'assurance nationales publiques ou privées. Les pouvoirs publics ne font plus mystère des retards accumulés dans ce domaine par rapport aux pays voisins. Voici près de 2 ans déjà le ministre des Finances, M. Karim Djoudi, avait clairement tracé la perspective dans laquelle s'inscrit l'action des responsables du secteur. “Nos voisins marocains font 3% du PIB. Nous avons donc une marge de manœuvre au minimum de 2% du PIB algérien”, déclarait le grand argentier du pays à l'occasion de la signature, à Paris, d'un accord mettant fin à un contentieux vieux de plus de 40 ans entre compagnies françaises et algériennes. Une démarche a été mise en œuvre depuis 4 ou 5 ans qui vise à développer en priorité l'activité quasiment vierge en Algérie des assurances de personnes en faisant appel à la contribution des banques publiques et au partenariat international. C'est par le canal de la bancassurance que sont intervenues, pour l'heure, les évolutions les plus notables au sein du secteur. Ce terme barbare désigne l'association entre un banquier et un assureur dans le domaine de la production et de la distribution des produits d'assurance. Inexistante en Algérie jusqu'à ces derniers mois, cette activité est en plein boom dans les économies les plus avancées au point de représenter plus des deux tiers du chiffre d'affaires de la branche des assurances de personnes. Elle peut, selon les cas, prendre la forme soit d'un accord de distribution entre une compagnie d'assurance et une banque, soit donner lieu à la création d'une filiale commune. Certaines banques internationales de taille importante ont créé leur propre filiale spécialisée. Adoptée en février 2006, la loi sur la bancassurance autorise pour la première fois en Algérie les banques à distribuer des produits d'assurance. En l'occurrence, les banques publiques algériennes n'ont pas seulement été “autorisées” à intervenir dans un domaine jusque-là réservé aux compagnies nationales. Elles y ont été en réalité fermement invitées par l'actionnaire public. Chaque banque publique a été tenue de proposer un accord de partenariat avec un assureur. C'est ce que toutes les banques publiques ont fait, sans grand enthousiasme dans la plupart des cas. Appliquant les instructions et restant en pays de connaissance, la Badr et la BDL avec la SAA, puis le CPA avec la Caar ont signé des accords qui peinent à produire des effets visibles La Cnep-Banque signe avec Cardif En fait, la démarche avait été inaugurée dès le mois de mars 2008 par la Cnep qui, en surprenant beaucoup d'observateurs, avait proposé et fait entériner, d'abord par ses instances internes puis par les pouvoirs publics, un accord de partenariat avec Cardif El-djazaïr, filiale spécialisée du groupe BNP Paribas et première compagnie d'assurance étrangère agréée en Algérie. L'argumentaire présenté par les responsables de la Cnep dans le but de faire adopter le projet de partenariat avec le groupe français insiste sur l'expérience de Cardif, présent dans 35 pays et associé à près de 150 banques à travers le monde, sur son expertise dans le domaine des assurances de personnes et dans l'assurance-vie en particulier, ainsi que sur la qualité de son offre de partenariat sans équivalent sur le marché national ainsi que l'a révélé une large consultation préalable réalisée par la Cnep. L'accord, signé le 27 mars 2008, est dans une première étape un accord de distribution de produits d'assurance de personnes, conclu pour une période de 5 ans et devant évoluer rapidement vers la constitution d'une filiale commune. Cardif s'engage à élaborer des produits spécialement conçus pour la clientèle de la Cnep, principalement des produits d'assurance-vie et des produits de prévoyance. Les produits seront distribués à travers l'ensemble du réseau de la Cnep qui percevra de Cardif une double rémunération sous forme de commission sur les encaissements de primes d'assurance et de participation, à hauteur de 50%, aux profits réalisés par l'activité. “Leader de la bancassurance” La longueur d'avance prise par la Cnep-Banque sur ses concurrents est à la fois le résultat du choix d'un partenaire de premier plan et de l'investissement réalisé par la “Banque de l'habitat” dans cette nouvelle activité. La Cnep affiche ses ambitions. Elle veut devenir “le leader de la bancassurance en Algérie”. La branche a été intégrée dans la stratégie de développement de la Banque. À terme, elle devra générer 20 à 25% des bénéfices du groupe. Amar Kassioui, directeur de la bancassurance à la Cnep, explique : “Nous n'avons pas considéré la création de cette nouvelle activité comme une contrainte, mais plutôt comme une opportunité. Elle va nous permettre à la fois d'améliorer notre produit net bancaire et de fidéliser et développer notre clientèle en lui offrant une gamme de services plus large.” Pour réussir son pari, la banque a créé une nouvelle structure rattachée au P-DG et une cellule bancassurance a été installée dans chacun de ses 14 réseaux régionaux. Simultanément, depuis la signature de l'accord avec Cardif, des actions de formation intensive ont été lancées qui ont concerné plus de 800 collaborateurs. Les résultats n'ont pas tardé à suivre. Les premiers packages de produits sont arrivés dans les agences au cours de l'année 2009. D'abord une assurance des emprunteurs puis, surtout depuis septembre dernier, une assurance décès et invalidité qui a donné lieu au placement de plus de 3 000 contrats individuels en quelques mois. Pour Amar Kassioui, le tandem Cnep-Cardif a fait franchir à la profession une étape importante en matière de produits disponibles et de qualité de services. “Nous nous engageons à indemniser les assurés dans un délai inférieur à 72 heures. Les premières indemnisations réalisées ont porté sur le paiement d'un capital compris entre 1 et 2 millions de dinars versés en 48 heures.” Les futurs produits sont à l'étude. Une assurance santé différente dans son principe des assurances de groupes existantes “qui sont alignées sur les tarifs de la Cnas”, dont les remboursements sont symboliques. Elle pourra couvrir les frais occasionnés par une hospitalisation dans des structures privées. Une multirisque habitation est également en projet, ainsi que des produits de placement susceptible de constituer des compléments de retraite. Changement d'échelle Le passage de la coopération avec Cardif à une vitesse supérieure est prévue par l'accord signé en 2008. Il dépend de la création d'une filiale commune qui serait susceptible de “pérenniser le partenariat en favorisant le transfert de savoir-faire et en assurant une meilleure rentabilité. La filiale commune permettrait également de développer l'activité en utilisant d'autres canaux de distribution que le réseau Cnep”. La Cnep et son partenaire ne sont pas les seuls protagonistes du secteur. On sait que sur le même modèle, l'“accord de principe”, conclu entre la BEA, première banque algérienne, et le groupe AXA, voici plus d'une année, reste pour l'heure dans l'attente d'un visa hypothétique des autorités algériennes. Un accord de “partenariat stratégique” conclu en avril 2008 entre la SAA et la Macif française tarde, par ailleurs, à produire des résultats. Plus largement, c'est l'architecture d'ensemble de notre système financier qui est en cause. Selon les conclusions de beaucoup d'experts installés récemment en Algérie dans le sillage des compagnies étrangères, un obstacle de taille se dresse devant le développement des assurances de personnes en Algérie. Il s'agit de l'étroitesse de son marché financier et d'une réglementation qui a grand besoin d'être modernisée. Un premier pas a été réalisé par le régulateur algérien avec la séparation stricte des activités d'assurance-dommage et d'assurance-vie qui doit entrer en vigueur fin 2010. Il permettra essentiellement d'éviter que les ressources à long terme, collectées par l'assurance-vie, soient utilisées pour des usages de court terme dans l'assurance-dommage. Il demeure que les ressources financières longues, permettant d'envisager la viabilité des assurances de personnes, ne sont pas disponibles en raison principalement de la réglementation sur des emprunts d'Etat trop peu rémunérateurs et qui impose une immobilisation de ces ressources dans une proportion trop importante. La très faible capitalisation de notre marché financier ainsi que la modicité des émissions obligataires réalisées au cours des dernières années sont également des freins pour une rémunération suffisante des ressources procurées par les assurances de personnes.