Tout le monde aura remarqué que les questions liées à la corruption sont devenues récurrentes tant ce fléau prend de l'ampleur et tant l'opinion publique y est particulièrement sensible. Cette dernière oscille entre une fatalité qu'elle se résigne difficilement à accepter et une indignation qu'elle tente courageusement de dénoncer. Comment l'Algérie en est arrivée là ? La réponse, à l'évidence, n'est pas simple. Elle peut néanmoins être cernée à travers le cheminement historique spécifique de la société algérienne post-indépendance. De même que la nature du système politique, économique et administratif sur lequel sont fondés l'Etat, ses institutions et son mode de gouvernance permet de livrer un éclairage. L'Algérie, en tant que pays en développement, particulièrement vulnérable à ce phénomène universel, est pourtant signataire de la convention internationale de lutte contre la corruption. Au plan interne, elle s'est dotée de mécanismes juridiques, réglementaires et institutionnels visant les mêmes objectifs. L'organisation de l'administration de l'Etat et des grands services publics fortement centralisés, investis et gérés par des hommes le plus souvent cooptés et pas nécessairement compétents, probes ni intègres, a favorisé, dès les années 1970, l'apparition du phénomène de la corruption à travers ce que l'on appelait à l'époque “les atteintes à l'économie nationale”. Au fur et à mesure que les programmes de développement se multipliaient, accompagnés de marchés de plus en plus importants financièrement, les tentations devenaient de plus en plus grandes et les appétits de plus en plus insatiables. L'économie rentière faisant le reste. Cette phase de fonctionnement monolithique des institutions et de l'économie dirigée a connu son lot d'affaires de corruption mais, somme toute, assez restreintes. Les réformes économiques et l'ouverture du marché national dans les années 1990, avec en premier lieu l'explosion des importations de marchandises et de produits de toute nature, ont, parfois objectivement, fait le lit du commerce informel avec l'apparition de la fraude, de l'évasion fiscale et de transfert de capitaux vers l'étranger à large échelle, au su et au vu de tout le monde. Certains experts ont évalué les flux commerciaux au niveau des bazars du Hamiz à plus de 15 milliards de dollars dans les années 2000 échappant au fisc. L'Etat et ses institutions de contrôle étaient focalisés et préoccupés en priorité par la lutte antiterroriste. De fait, les terrains économiques et des affaires étaient livrés aux prédateurs de tout acabit. Par ailleurs, la difficile transition d'un mode de management à un autre, due notamment à la complexité du nouvel arsenal juridique mis en place pour accompagner les réformes, de même que les dysfonctionnements qu'il a parfois générés, ont fini par engendrer des pratiques frauduleuses qui n'ont épargné aucun secteur d'activité économique et commercial. De la négociation des marchés publics à la gestion des services publics, la corruption se banalise et imprègne insidieusement la culture dominante de la “chipa” jusqu'y compris chez les jeunes. Alors ! Fatalité ou manque de volonté politique ? En vérité, la corruption a tellement gangrené notre pays qu'elle est devenue un risque majeur pour l'unité, la cohésion et la stabilité sociale et politique de la nation.