La première année du troisième mandat de Bouteflika a été jalonnée de grèves cycliques qui témoignent d'un véritable malaise social. Qu'a-t-on fait des 1 000 milliards de dinars accordés au volet social dans le cadre de la loi de finances 2010 ? Le volet social constitue le meilleur indicateur de la situation générale d'un pays. C'est en quelque sorte le principal thermomètre qui indique s'il y a problème ou pas. Si l'on devait prendre la température sociale de l'Algérie en cette première année de la reconduction de Bouteflika à la tête du pays, l'on découvrirait aisément que la situation n'est pas aussi bonne. Et c'est le moins qu'on puisse dire. Le front social est en effervescence continue à tel point que l'on croirait qu'au lieu d'avancer, le pays recule à pas de géant. On en veut pour preuve le fait que les grèves aient marqué l'année 2009 et le début de l'année 2010. La contestation dans le secteur de la santé publique remonte, comme par hasard, au 11 avril 2009. C'est-à-dire au lendemain même de l'élection présidentielle, les médecins donnaient le signal. Une colère qui s'est accentuée tout au long de cette année, et qui n'a pas encore connu de solutions. Si ce n'était les menaces de radiation lancées par le ministre de tutelle, les médecins n'auraient pas arrêté leur mouvement de grève au bout de trois mois. Et quand un médecin renonce au serment d'Hippocrate, même si sur ce plan-là le ministre a exploité cette brèche en les accusant de non-assistance à personne en danger, il n'en reste pas moins que cette situation a révélé la profondeur du malaise social. À vrai dire, rien ne laissait présager un tel bouillonnement du front social. D'autant que l'euphorie était grande chez certains et bon nombre de citoyens pensaient que le Président qu'ils ont plébiscité pour la troisième fois consécutive avait une dette envers eux, et qu'il allait très vite leur renvoyer l'ascenseur. Surtout que l'homme est connu pour ses positions et ses grandes décisions. Les premiers discours du Président “de tous les Algériens”, notamment celui de l'investiture, étaient très annonciateurs et laissaient présager un tournant décisif dans le quotidien et les attentes des citoyens, notamment sur le plan social. Si le crédit à la consommation a été l'hirondelle, cette dernière n'en a pas pour autant précédé le printemps social. “En dépit de la grave crise économique qui sévit à travers le monde, la mise à exécution de nos programmes de développement social a été rendue possible grâce aux orientations de notre politique financière”, avait rassuré le Président dans son allocution d'investiture avant de se lancer dans l'énumération des vaste chantiers de réforme dans le système éducatif, l'insertion et l'emploi des jeunes, le logement, la santé, la hausse du SNMG et de nombreuses autres mesures visant l'amélioration du cadre de vie des citoyens. “Je reste pleinement conscient des difficultés que continuent de vivre des franges importantes de notre population, conscient de leurs aspirations légitimes. C'est pourquoi la haute priorité qui a prévalu en ce qui concerne l'amélioration des conditions de vie des citoyens sera maintenue”, s'était engagé Bouteflika. La loi de finances est venue conforter quelques mois après les engagements du premier magistrat du pays. 1 000 milliards de dinars ont été accordés pour la politique sociale de l'Etat, soit 12,55% du produit national brut (PNB), au titre des subventions aux établissements hospitaliers, aux versements des pensions de retraite, bourses estudiantines… Autant d'engagements qui avaient mis du baume au cœur des Algériens. Mais l'espoir aura été de très courte durée. Il n'aura fallu que quelques mois pour que les électeurs se rendent à l'évidence. Si certains se sont résignés en attendant des jours meilleurs, d'autres, à l'image de secteurs stratégiques de la Fonction publique, ont décidé de manifester leur colère synonyme de leur déception. Le front social s'est vite embrasé prouvant, si besoin est, que l'embellie sociale n'était qu'un simple dossier de campagne comme tant d'autres d'ailleurs. La grève du secteur de la santé s'est vite propagée. La contagion était des plus rapides et variée. Bon nombre de départements importants ont rejoint le “club” des contestataires. Le débrayage des enseignants a défrayé la chronique et failli aboutir à une année blanche si ce n'était, une fois de plus, les mesures d'augmentations des salaires qui, bien que contestées par la corporation, ont permis un certain apaisement. Ceci sans oublier les grèves qui ont été relancées dans des secteurs qui, pendant les deux premiers mandats de Bouteflika, ne sont pas sortis de la zone de turbulences. Cheminots, chauffeurs de taxi, pharmaciens, boulangers, travailleurs des zones industrielles de Rouiba, Réghaïa, Annaba… étaient de la partie. Même les psychologues censés soutenir les citoyens vulnérables dans leurs déprimes n'étaient pas en reste. Mieux, des secteurs qui n'ont jamais eu recours à ce droit constitutionnel ont été “contaminés”. Ce fut le cas pour les fonctionnaires des communes et le secteur de la formation professionnelle qui ont, pour la première fois depuis leur existence, opté pour la grève. Un mouvement qui n'était pas propre à la capitale, mais qui a touché plusieurs autres wilayas du pays. C'est ce qui a fait dire à beaucoup d'observateurs que ce qui a été concédé de la main droite est vite repris de la main gauche. La petite augmentation du SNMG n'a finalement servi qu'à la couverture des hausses vertigineuses des prix des produits de large consommation. S'il est vrai que l'Algérie est un pays importateur, il n'en reste pas moins que la baisse du niveau de vie et la disparition de la couche moyenne font que l'Algérien touche son salaire en dinars, mais vit au rythme des fluctuations de l'euro ou du dollar. Jusqu'à quand ?