Jadis footballeurs adulés en Kabylie et respectés un peu partout en Algérie et en Afrique, mais aussi valeureux ambassadeurs de la revendication berbère, les anciens joueurs de la JSK et du fameux “Jumbo Jet” de la belle époque des années 80 sont encore des témoins vivants et inoubliables du rôle éminent qu'a joué de tout temps le prestigieux club kabyle dans le noble combat amazigh. En ce trentième anniversaire du Printemps berbère d'avril 80, l'histoire et le long cheminement de la revendication berbère ne peuvent occulter le rôle éminemment positif qu'a joué ce prestigieux club de football qu'est la Jeunesse sportive de Kabylie (JSK) non seulement sur les terrains d'Algérie et d'Afrique, mais aussi et surtout dans les tribunes des stades jadis utilisés comme des tribunes de revendication et de libre expression des dizaines de milliers de militants de la cause amazighe. Du temps des années de plomb où le champ médiatique et les espaces de liberté démocratique étaient hermétiquement fermés pour les défenseurs et militants de la cause berbère, il n'y avait que les stades de football qui pouvaient canaliser, par la force des choses et la force du nombre, les masses populaires qui se réclamaient du noble combat amazigh et exprimaient tout haut leur profonde aspiration à la reconnaissance tout à fait légitime de l'identité, de la langue et de la culture berbères dans toute sa diversité. Du temps des années de braise où la question berbère constituait un tabou et un danger qui pouvait mener à tout bout de champ au commissariat du quartier ou à la prison de Berrouaghia, les milliers de citoyens se réclamant de l'amazighité, qu'ils soient amateurs de foot ou simples sympathisants du club kabyle, déferlaient littéralement sur les stades que ce soit à Tizi Ouzou, Béjaïa, Bouira, Boumerdès, Alger et un peu partout dans les autres villes d'Algérie pour porter aux nues les Canaris du Djurdjura et surtout profiter de cet espace toléré et imposé par “les dieux des stades” pour véhiculer et distiller haut et fort des slogans revendicatifs pour la reconnaissance de tamazight. C'était bien dans les stades que le grand public découvrait progressivement dans les années 1970/80 les premiers caractères de l'alphabet en tifinagh portés fièrement par des banderoles peintes de vert et de jaune aux abords des terrains et des gradins de stades. “Anwa wigui, dh'Imazighen !”, “Imazighen, anaraz wala naknu !” étaient des slogans historiques et fortement symboliques chez les supporters kabyles. Fergani : “La JSK était le symbole de la revendication identitaire !” “Dès la création du club en 1946, nous avons longuement réfléchi et finalement tenu à lui donner ce sigle rassembleur et revendicatif de Jeunesse sportive de Kabylie”, se souviennent encore les pionniers de la JSK d'avant-guerre encore vivants de nos jours, en l'occurrence Ali Benslama et Moh Lounès Madiou pour ne citer que ces deux aînés de la grande famille de la JSK aujourd'hui octogénaires et encore très lucides quant à l'écriture de l'histoire de la JSK. “Quand j'ai quitté le NAHD en 1979 et je suis venu m'installer en tant qu'architecte à Tizi Ouzou à l'orée du Printemps berbère d'avril 80, j'étais fier de porter les couleurs de la JSK qui était le porte-drapeau de la revendication berbère et je ne suis pas près d'oublier la première victoire historique en Coupe d'Afrique des clubs champions au Zaïre puis la fameuse Coupe d'Algérie de 1986 contre Collo où en tant que capitaine d'équipe j'avais inscrit le but fatidique de la victoire à la 119' de jeu. Ce jour-là, le ciel me tombait sur la tête car j'étais conscient que ce grand succès populaire devant 100 000 spectateurs rugissant au stade olympique d'Alger était une page glorieuse et pour la JSK et surtout pour la cause berbère du fait que le club véhiculait l'image de marque et la caisse de résonance de la revendication amazighe. Aujourd'hui, je suis heureux que tamazight a fini par être légitimement reconnue dans notre pays qui est désormais fier de son identité nationale dans toute sa diversité”, dira Ali Fergani, l'ancien capitaine de la JSK et de la glorieuse équipe nationale de 1982. Menad : “Nous défendions la cause de tous les Imazighen !” “J'étais jeune joueur au CRB et je suis venu à la JSK en 1981 pour évoluer dans un club prestigieux et porter surtout les couleurs sacrées du porte-drapeau de la revendication amazighe. À ce titre, je n'oublierai jamais la fameuse finale de Coupe d'Afrique des vainqueurs de coupe de 1994 contre les Nigérians de Julius Berger où, ce jour-là, la JSK a porté haut et fort les couleurs des Imazighen puisqu'il y avait plus de 100 000 supporters au stade du 5-juillet habillés de vert et de jaune et des millions de citoyens en Kabylie et aux quatre coins d'Algérie qui ont fêté ces moments de gloire de la JSK et de tous ceux qui se réclamaient de la fibre amazighe”, se rappelle l'ex-baroudeur et capitaine kabyle Djamel Menad. Iboud : “J'ai encore la chair de poule !” “Nous avons toujours été conscients de notre rôle d'ambassadeurs de la revendication amazighe et si j'ai remporté plusieurs titres nationaux et africains avec la JSK, je ne suis pas près d'oublier cette première victoire mémorable en Coupe d'Algérie de 1977 face au NAHD où le défunt président Houari Boumediene me remettait le trophée tant envié au moment même où des dizaines de milliers de supporters kabyles scandaient “anwa wigui, dh'Imazighen” à l'époque où l'on ne pouvait pas se hasarder à scander le moindre slogan pour tamazight et le fait de remémorer ces pans d'histoire me donne la chair de poule”, dira de son côté l'ancien international et capitaine d'équipe Mouloud Iboud, qui fut le parfait symbole du fameux “Jumbo Jet” de l'époque et l'un des fervents défenseurs de la revendication amazighe. Sadmi : “La présence de Matoub à Lusaka nous a dopés !” “Personnellement, je n'oublierai jamais cette victoire mémorable en Coupe d'Afrique des clubs champions en 1990 à Lusaka où j'avais brandi le beau trophée pour le remettre symboliquement au regretté Lounès Matoub qui avait fait le déplacement avec nous et était habillé d'un beau burnous kabyle au milieu de nombreux supporters qui dansaient et criaient “anwa wigui, dh'Imazighen !” pour exprimer leur fierté et rappeler en fait notre identité berbère !”, témoigne encore Hamid Sadmi, l'ancien “mondialiste” de Mexico 1986 qui a eu l'insigne honneur de brandir la seconde Coupe d'Afrique des clubs champions de l'histoire de la JSK face aux Zambiens des Kana Red Devils. Amara : “Fier d'avoir reçu la Coupe des mains du président Boudiaf !” Enfin, de son côté, l'ex-gardien international et capitaine d'équipe Mourad Amara, ayant collectionné les titres nationaux et africains avec la JSK, a en mémoire cette victoire mémorable en Coupe d'Algérie en 1992 au stade Ahmed-Zabana d'Oran face à l'ASO Chlef et surtout le fait d'avoir reçu le trophée des mains du regretté président de la République, Mohamed Boudiaf, quelques jours seulement avant son terrible assassinat. “Ce jour-là, on s'était juré d'offrir une autre Coupe d'Algérie à la Kabylie et de revenir avec le trophée pour porter très haut l'étendard de la revendication berbère et surtout avoir l'honneur de recevoir la Coupe des mains du grand président Boudiaf qui était revenu en tant que sauveur et réconciliateur de toute l'Algérie !” se souvient Amara qui garde encore en mémoire les scènes de liesse à Oran, sur le chemin du retour et un peu partout en Kabylie où la JSK venait de porter encore très haut les aspirations tout à fait légitimes de millions d'Algériens qu'ils soient Kabyles, chaouis, mozabites, chenouis ou targuis pour que tamazight retrouve aujourd'hui ses droits, son authenticité et sa reconnaissance officielle et que les stades de football ne constituent plus désormais les seules tribunes d'expression populaire en tamazight et… pour tamazight !