En décidant de reconduire pour deux nouvelles années l'état d'urgence, sous prétexte de la lutte contre le terrorisme et la drogue, le gouvernement de Hosni Moubarak a fait l'objet de virulentes critiques, particulièrement de la part de la secrétaire d'Etat US, Hillary Clinton, qui a souligné que la prolongation de cette mesure exceptionnelle ignore “de nombreuses voix égyptiennes” qui ont demandé sa cessation. Hosni Moubarak n'aura gouverné l'Egypte que sous l'état d'urgence, en vigueur depuis bientôt trois décennies, date de son arrivée au pouvoir en 1981, au lendemain de l'assassinat de son prédécesseur Anouar As-Sadate. À un peu plus d'une année de l'expiration de son mandat, et l'organisation d'élections présidentielles, le raïs égyptien voit sa requête de reconduire cette mesure exceptionnelle adoptée par le Parlement, lequel est entièrement contrôlé par son parti, le Parti national démocratique, dont son fils Gamal tient solidement les rênes. En effet, sur les 454 députés que compte le Parlement égyptien, 358 voix ont voté pour la proposition, qui a été rejetée par 103 votants. Cette prorogation jusqu'au 31 mai 2012 survient alors que l'Egypte aborde une période électorale chargée, avec un renouvellement partiel de la Chambre haute en juin, des législatives à l'automne et une présidentielle en 2011. C‘est dire que cette reconduction est loin d'être innocente, même si le Premier ministre, Ahmed Nazif, qui veut calmer les inquiétudes sur son usage à des fins politiques, assure que le gouvernement s'engageait “à ne pas utiliser les mesures d'exception disponibles pour autre chose que la lutte contre les menaces du terrorisme et de la drogue”. Il n'en demeure pas moins que des manifestants ont protesté devant le Parlement, arborant des pancartes montrant un squelette symbolisant le peuple égyptien avec une corde – la loi d'urgence – autour du cou. D'autres portaient des pancartes sur lesquelles était écrit : “Moubarak dit que nous sommes un pays stable mais le PND dit que nous sommes en état d'urgence.” Les critiques de l'état d'urgence soulignent qu'il sert à museler la dissidence. Il donne des pouvoirs étendus à la police en lui permettant de détenir indéfiniment qui bon lui semble sans procès, des blogueurs chrétiens aux défenseurs des bédouins. Il se traduit aussi par un pouvoir sans partage. Heba Morayef, une responsable de l'organisation de défense des droits de l'homme Human Rights Watch (HRW) en Egypte, a affirmé que “le pouvoir a affirmé à maintes reprises qu'il allait limiter la loi sur l'état d'urgence aux stupéfiants et au terrorisme. Ce n'est pas une position nouvelle”, avant d'ajouter que “le bilan du gouvernement n'incite pas à l'optimisme quant à un changement d'attitude. Mais c'est un signe qu'il se sent sous pression”. Quant à Georges Ishak, un proche de Mohamed ElBaradei, ancien chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) favorable à des réformes démocratiques en Egypte, il estime qu'“il s'agit d'un simple nouvel habillage pour l'état d'urgence, qui va être utilisé contre les opposants politiques” sous le couvert d'accusations de terrorisme. La plus virulente critique est venue de Washington, où les Etats-Unis se sont déclarés “déçus” du vote du Parlement égyptien. Ainsi, la secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, a critiqué la prolongation de deux ans de l'état d'urgence. La prolongation de cette mesure exceptionnelle ignore “de nombreuses voix égyptiennes” qui ont demandé sa cessation, souligne la chef de la diplomatie américaine dans un communiqué. Elle a dit espérer que la mise en place d'une législation visant plus spécifiquement le terrorisme et le trafic de drogue permettrait une levée de l'état d'urgence, et donc “une meilleure protection des libertés civiles des citoyens en pratique”.