Les dirigeants français ne se sont pas bousculés jeudi à l'aéroport parisien de Roissy pour accueillir leurs ressortissants expulsés d'Israël après avoir été détenus comme l'ensemble des passagers de la flottille pour Gaza. Salah Berbagui, Mounia Chérif, Ahmed Oumimoune, Miloud Zenasni et Mouloud Bouzidi ont eu juste le temps d'échanger quelques mots avec la presse avant d'être évacués par les CRS vers un parking. D'habitude, même pour un accident de la circulation, les ministres français surfent sur l'émotion des victimes et arrivent avec des “cellules psychologiques”. Les six ressortissants français, aux prénoms certes pas gaulois, on pourtant vécu des moments d'une intense violence. Attaqués en haute mer par des commandos d'élite de l'armée israélienne, ils ont été fermement évacués, fouillés, humiliés, délestés de tout ce qu'ils possédaient et jetés en prison. Trop peu pour mériter une cellule de soutien psychologique. Tout cela ne leur a pas échappé. Ils l'ont déploré lors d'une conférence de presse à Paris. “On attendait plus de soutien du gouvernement français et une prise en charge psychologique”, ont-ils observé. Auront-ils en justice la réparation morale que Nicolas Sarkozy leur a refusée ? En tout cas, ils ne se sont pas privés de soumettre cette justice à une véritable épreuve. Ahmed Oumimoune et Miloud Zenasni ont déposé chacun une plainte auprès du procureur de la République contre l'Etat d'Israël. Ces plaintes visent les chefs d'inculpation de “séquestration, enlèvement, violences avec armes et détournement de navires”. Leur avocate, Me Liliane Glock, a volontairement évité de déposer une plainte avec constitution de partie civile. “Nous avons préféré une plainte auprès du procureur de la République parce que c'est la courroie de transmission avec le ministère de la Justice. Nous avons donc voulu adresser un message au gouvernement.” L'avocate s'est appuyée sur un précédent de la Justice française avant de s'engager dans cette démarche. Soulignant qu'elle est habilitée à enquêter lorsque les victimes sont françaises, elle rappelle la procédure concernant les moines de Tibéhirine. “Si la Justice française a décidé d'enquêter sur cette affaire où les faits se sont déroulés hors du territoire français, elle peut aussi le faire dans ce cas puisque les victimes sont aussi françaises”, observe Me Glock. L'avocate veut que soient punis les responsables qui ont ordonné l'arraisonnement du convoi maritime et les militaires qui ont exécuté. “L'ordre est manifestement illégal et les fonctionnaires ont le devoir de désobéir dans ce cas”, a-t-elle observé. Le gouvernement français est placé face à deux options : ouvrir une enquête en France ou saisir la Cour pénale internationale de La Haye pour des faits de crime de guerre “ignoré” par le droit hexagonal. “Attaquer un convoi humanitaire en haute mer est un crime de guerre” et “il appartient à la France de saisir la CPI”, a insisté l'avocate. Avec plus ou moins de fermeté, Paris a joint sa voix à la réprobation internationale qui a accueilli l'intervention israélienne contre la flottille pour la paix. Ira-t-il jusqu'à juger Israël ? La manière de répondre à ce test permettra de juger ce que la France entend faire de la légalité internationale. Sa diplomatie est aujourd'hui officiellement dirigée par celui qui a inventé le droit d'ingérence. Il n'est même pas question de s'ingérer dans les affaires d'Israël. Mais juste de faire respecter le droit dans une zone internationale qui n'est même pas sous son contrôle.