Cinq balles traîtresses et assassines ont mis fin, le 3 octobre 1995, au parcours d'un “véritable battant”. Omar Aourtilane, rédacteur en chef d'El Khabar, avait été froidement assassiné à hauteur de la rue Mohamed-Guendouzi, située derrière la maison de la presse Tahar-Djaout. Pour évoquer la mémoire de celui qui avait été “le véritable pilier de la rédaction d'El Khabar et, au-delà, de la corporation”, les membres de sa famille ont dépoussiéré les unes des journaux (édition du 4 octobre 1995), consacrées au lâche attentat du natif de la commune d'Ighrem dans la daïra d'Akbou. Omar, qui avait alors 36 ans, sera le 43e journaliste à être assassiné. La liste grossira, malheureusement, jusqu'à atteindre un peu plus de 60 entre journalistes et assimilés. Le défunt avait laissé derrière lui sa femme et son fils Hamza, âgé à peine de 2 ans. Licencié en lettres arabes en 1984, Aourtilane fera une année, après ses premiers pas dans la presse, au quotidien du soir El-Massa où il sera promu en 1989 chef de la rubrique culturelle. Avril 1990 : aventure intellectuelle oblige, Omar fera partie du collectif des journalistes ayant fondé El Khabar. Un quotidien dans lequel il deviendra en 1991 le rédacteur en chef. Les journalistes, qui l'ont connu, disent de lui qu'il n'était pas un mordu de la politique. Il était plutôt poète et rêveur. Mais le drame algérien l'avait contraint à se positionner, voire à choisir son camp. Et son dernier pamphlet, paru dans l'édition du 3 octobre — jour de son assassinat — sous la signature de Boudjemaâ, est assez révélateur, avait écrit alors Abdelkrim Ghezali de La Tribune, du rêve du poète et de l'espoir du citoyen : “Ô paix, manifeste-toi !” Tel est le titre du dernier jet d'Omar, qu'il avait enclenché par un passage tiré de l'épopée de Mahmoud Darwich, lu à Alger en 1982 après le siège de Beyrouth : “Eloge à l'ombre suprême”. S'identifiant au poète, qui exprime son impuissance face à la coalition de tous les aléas, Omar avait crié son étouffement et son doute face à l'absurdité des choses. Mais la chute du papier ne tarissait pas d'espoir. “La paix civile dont tout le monde guette la manifestation… se manifestera-t-elle ? Nous l'espérons un jour…”