La question mérite d'être posée. La récente agression de l'épouse du consul de France à Oran, de sa belle-mère et de son fils par deux voyous sur la route du littoral est-elle un geste isolé de délinquants occasionnels ou la manifestation du grand banditisme. La réponse ne peut être que nuancée dans la mesure où nous ne connaissons aucun précédent à ce type de violence surtout au niveau d'un tronçon réputé sûr. Mais pour bien comprendre ce qui s'est passé, il faut se reporter à la géographie du site même à la topographie du terrain. Il y a deux voies qui desservent la côte à partir d'Aïn El-Turk. La première, qui est la plus connue et la plus fréquentée, traverse la station balnéaire, longe la plupart des plages en direction d'Oran, enfile Mers El-Kébir et débouche enfin sur la pêcherie de Sidi El-Houari, il n'y a jamais eu d'incident maffieux le long de ce parcours. Un sexagénaire natif du landernau aura d'ailleurs ce mot atroce à l'adresse d'une corniche qui a grisé tant de têtes de vingt ans. “Elle tue les ivrognes et les Fangio du village, les fous du volant. Mais pour le reste, nous sommes tranquilles, aucun automobiliste n'a été attaqué, et pour cause, les bouchons sont ici permanents et en été les voitures roulent pare-choc contre pare-choc. Aucune chance pour les malfrats d'opérer sans attirer l'attention pour décongestionner une circulation très difficile à maîtriser et qui s'emballe aussitôt la saison estivale installée, les pouvoirs publics remettront en service une très vieille départementale perchée sur les hauteurs de Fillaoucene.” Des millions de dinars seront investis pour faire de cette piste une route à deux sens carrossable et praticable. Elle est plus rapide, le spectacle qu'elle offre sur la vallée est féerique, mais malheureusement elle est très peu fréquentée en période creuse, comme c'est le cas aujourd'hui : et c'est précisément cette occasion qui a fait les larrons. Les petites frappes qui ont tendu ce guet-apens à la famille du consul n'ont pu passer à l'acte que parce que le timing le permettait et que la route était déserte à ce moment-là. Mais quelle que soit la gravité d'un acte qu'il faut déplorer par ailleurs, il nous renvoie forcément au nœud du problème. La sécurité des sites touristiques oranais Il y aurait beaucoup à dire sur le sujet. Par exemple, la Corniche, qui relie Canastel à Kristel sur un trajet de 18 km, est une véritable angoisse pour de nombreuses familles. “Il n'y a pas de barrages, nous dit un automobiliste qui achète ses légumes une fois par semaine dans cette ville jardin, la route est sinueuse, étroite, encaissée à flanc de colline et en cas de pépin on est pris comme des rats.” Et un autre de renchérir : “Je vous assure que je roule avec les tripes en l'air et la peur au ventre.” Quant aux vestiges historiques qui font la fierté d'Oran, ils sont presque inaccessibles. En particulier le fort espagnol et la cathédrale de Santa-Cruz. Le visiteur doit se débrouiller avec ses propres moyens car à partir de Bel horizon, il n'y a presque plus de plaques de signalisation. Il faut grimper en rase campagne, s'orienter au pif et prier pour trouver la bonne direction. Aucun bus n'assure le moindre transport. Avec une route dégagée, déblayée et abondamment éclairée en plus de quelques points de contrôle, tout suivra, tout viendra, la sécurité, les commerces de souvenir, les touristes et les inévitables petits emplois, donc une plus-value pour la ville dont l'image serait désormais apaisée, moins altérée. C'est bon pour la cité. C'est bon pour ses citoyens. Alors une affaire de rentabilité peut-être une affaire de volonté sûrement.