Lors de sa création en 1990, la Fondation Casbah s'était fixé comme objectif la sauvegarde et la réhabilitation de la vieille médina. Une médina outrageusement gangrenée par des dégradations dues tant au vieillissement normal des matériaux qu'à des actes de destruction inqualifiables initiés le plus souvent par des gens venus d'ailleurs s'y installer provisoirement en vue de bénéficier d'un logement social. Le choix des mots est loin d'être fortuit tant le tissu de nos mémoires et celui de nos villes ont subi des mutilations atroces. Que d'indifférence à l'égard d'un haut fait civilisationnel et culturel réduit à sa plus simple expression par la bêtise des uns et la barbarie des autres ! C'est assurément sur la base de cette négation qu'immédiatement après la colonisation et ses actes abominables, soutient le sociologue Rachid Sidi Boumedine, on taille, on perce, on coupe sans souci, dans un tissu qui n'est devenu qu'obstacle physique à un projet de société qui s'impose et impose ses règles. Alors que les difficultés, qui jusqu'ici se sont opposées à un démarrage réel de l'opération de sauvegarde, demeurent, et il ne faut ni les surestimer ni les mépriser, l'imbrication des statuts des habitants, la complexité des problèmes techniques demandent un traitement fin, mais ne posent aucun problème insurmontable. En séparant artificiellement les différents aspects, tels que la “rentabilité” économique, le financement, les problèmes juridiques, le relogement d'une partie des habitants, la préservation ou la reconstitution des structures originales, on en arrive à les opposer en éléments antinomiques et contradictoires, martèle le sociologue. Loin de jeter la pierre à ce que d'aucuns qualifient d'indus occupants, des sources proches de la fondation font judicieusement remarquer que l'exode rural vers La Casbah a toujours existé, particulièrement entre les années 1940 et le début de la lutte armée lorsque des populations rurales chassées par la misère et la répression vinrent s'y établir pour s'y intégrer lentement mais sûrement tant elles se sentaient plus en sécurité et ravie d'avoir accès à la culture citadine qu'elles assimilèrent grandement avant de la propulser au zénith. Classée patrimoine universel par l'UNESCO, à l'issue d'une réunion tenue en décembre 1992 à Santa Fé aux Etats-Unis autant que victime d'une situation à tout le moins apocalyptique, La Casbah d'Alger ne cesse de préoccuper ses nombreux défenseurs, nationaux comme étrangers. Malgré le fait avéré qu'un véritable arsenal juridique ait été mis en branle à l'effet, sinon de sauver le site, du moins de le préserver d'une lente agonie. Ce n'est donc pas sans raison si le cri de cœur poussé par Ali Mebtouche, président d'honneur de la fondation chère à Laâdi Flici et à Abderrahmane Benhamida, est loin d'être injustifié. Même si, force est de reconnaître, il intervient à un moment où Belkacem Babaci continue à prôner une unité d'action pour que le sauvetage de l'ancienne médina soit le fait tant de la société civile que des appareils idéologiques d'Etat. Du reste, l'actuel président de la Fondation Casbah a accueilli avec satisfaction la création de l'Agence nationale des secteurs préservés, même s'il était plutôt favorable à l'installation d'un commissariat chargé de la sauvegarde du site qui émerveilla le roi zianide Abou Hammou Moussa, Hassan Ibn Mohammed al-Wazzan, plus connu sous le nom de Léon l'Africain, sans oublier André Ravéreau. Considérant l'initiative de Khalida Toumi comme l'aboutissement de tous les espoirs (ou presque), il souhaite que toutes les forces vives impliquées dans le sauvetage de la cité de Sidi Abderrahmane At Thaâlibi soient associées à la restauration plurielle d'une médina qui, avec ses 62 hectares, commande un statut particulier. Dans le cadre d'une solidarité nationale de telle manière à favoriser une large mobilisation de toutes les associations dont la préoccupation cardinale et sacerdotale demeure le sauvetage et la réhabilitation de toutes les médinas et des ksour de ce merveilleux pays, de pans importants de la mémoire collective. (À suivre) A. M. [email protected]