L'arraisonnement en haute mer, avant-hier en fin d'après-midi, des 36 harragas, par les garde-côtes tunisiens, n'en finit pas de causer des inquiétudes aux familles de ces derniers. Ils étaient nombreux, hier, parmi les membres desdites familles à se présenter au siège du consulat de Tunisie d'Annaba, certains pour essayer de savoir si leurs enfants portés disparus depuis lundi sont effectivement entre les mains de la police du pays cité ou si ceux-ci ont été remis, comme l'affirme une rumeur persistante, à notre représentation consulaire algérienne à Tunis. Les démarches des uns et des autres ont malheureusement échoué dans la mesure où le consul de Tunisie s'est astreint à ne rien dire à ce sujet, se limitant à conseiller à tout le monde de se rapprocher plutôt de l'ambassade de son pays à Alger pour d'éventuels éclaircissements. Nous apprenons, également, que deux groupes de proches des malheureux candidats à l'émigration ont pris la décision de se rendre dans la capitale tunisienne pour s'assurer que les leurs sont bien là-bas et le cas échéant connaître les intentions des autorités tunisiennes quant à leur rapatriement en Algérie. Peine perdue serions-nous tentés de dire car d'autres personnes ont fait la même tentative dimanche dans ce cadre précis et ont buté sur le silence des responsables des gardes-côtes et de l'établissement pénitentiaire d'El-Ouardia où les harragas interceptés sont supposés être internés provisoirement. L'une des personnes, qui a fait le voyage dimanche à Tunis, a accepté de nous dire dans le détail comment elle a été reçue par les officiels tunisiens. “Dès que j'ai appris que les groupes de harragas partis la semaine passée des plages de la cité Seybouse et de Sidi-Salem au nombre desquels figure mon propre frère ont été finalement retrouvés par les gardes-côtes tunisiens, je n'ai pas hésité à prendre la route pour Tabarka pour vérifier que celui-ci et ses compagnons sont bien en vie. Une fois arrivé là-bas, j'ai pu comme l'autre parent me rendre compte qu'il n'était pas facile de se renseigner auprès des institutions compétentes à rompre le silence sur le sort réservé aux candidats à l'émigration. Nous avons dû galérer des heures et des heures pour trouver un responsable qui a bien voulu répondre à nos appréhensions et qui a fini par nous montrer une liste sur laquelle était portée la filiation complète de la trentaine de personnes arrêtées par les gardes-côtes après leur arraisonnement”, a déclaré B. A., avant de se désoler du comportement inhumain des fonctionnaires et tout particulièrement des “harras” (gendarmes) du pays voisin. “On nous a vraiment malmenés sans égard bien que nous ayons décliné notre identité afin de permettre à ces derniers de corroborer leurs propres informations avec nos déclarations. Ceci pour rien en fin de compte, car il ne nous a pas été possible de rencontrer ou à tout le moins de constater dans quel état de santé se trouvent nos proches. Les informations qui nous parvenaient sur les conditions dans lesquelles s'est déroulée la tentative de harga et notamment la dérive des embarcations pendant près d'une semaine n'étaient pas pour nous rassurer et l'accueil glacial des gendarmes nous a complètement anéantis. De plus, on nous a volontairement ballottés de ville en ville de Tabarka à Tunis, vers la prison d'El-Ouardia et ensuite vers Bizerte, ceci pour finalement nous prier de rentrer en Algérie en attendant que la procédure d'identification des occupants des barques arraisonnées soit achevée. Aux dernières nouvelles, nous apprenons que les harragas algériens devraient être acheminés vers le poste frontalier de Haddada, dans la wilaya de Souk-Ahras, avant d'être remis officiellement aux autorités nationales mardi matin au plus tard”, conclut notre interlocuteur d'un ton pas très rassuré pourtant.