Son court métrage la Cité des vieux a été projeté, il y a quelques semaines, en avant-première. Dans cet entretien, il revient sur l'élaboration de sa fiction, sur sa conception du cinéma amateur et professionnel, ainsi que sur son parcours dans le domaine du septième art. Liberté : Comment est née l'idée de la Cité des vieux ? Mouzahem Yahia : L'idée de la Cité des vieux est née d'un scénario d'Ahmed Rezzag, que j'allais tourner pour la série Zenka Story, et que j'ai préféré garder pour l'élaborer en court-métrage. Même si l'humour est au centre de votre fiction qui s'intéresse au destin du jeune Wahid, seul jeune survivant dans une cité de vieux, on constate que vous traitez un sujet très sérieux : le conflit générationnel… Je pense qu'il y a un réel conflit de générations dans notre pays. Mais ce conflit ne pourra se régler que si chacune des catégories accepte l'autre et admet que nous sommes complémentaires et non en concurrence. Par le biais de mon film, je parle aux personnes âgées pour leur dire que tous seuls, vous allez vous ennuyer. Il y a également un côté sitcom (sans péjoration aucune) dans votre court-métrage, une sorte d'humour de situation. Cela était-il voulu ? Pour le côté sitcom et manque de préparation, je pense que ce n'est pas totalement faux. J'ai essayé dans cette version courte de respecter le scénario au maximum. J'ai seulement ajouté un plan de Mohamed Bouchaïeb (ndlr : comédien qui incarne Wahid). On a fait une version longue où le scénario a été développé. Il ne me manque que trois semaines de tournage et la postproduction. Dans la version longue, qui sera beaucoup plus cinématographique, le spectateur connaîtra mieux les deux personnages : Wahid et Sara, qui seront beaucoup plus profonds et caractérisés. Il y aura également beaucoup de détails. Pourriez-vous nous parler de la version longue de la Cité des vieux ? La version longue, qui porte le titre provisoire de 2030, est beaucoup plus axée sur l'histoire d'amour entre les deux jeunes. On saura comment et où ils se sont rencontrés, ce que faisait Wahid de son temps libre avant de rencontrer Sara, sa souffrance, comment les vieux passent leur temps. Dans votre film, on rit beaucoup de nos malheurs surtout. Peut-on rire de tout ? C'est le but du film. Je pense qu'on peut rire de tout tant qu'on ne touche pas aux autres dans leur intimité. Je fais des films pour le public, et ce qui me fait réellement plaisir, c'est de voir toute la salle rire aux éclats. Le regretté Larbi Zekkal incarne le rôle de président de la République. Comment s'est passé le tournage avec lui ? J'ai été honoré de travailler avec un talent comme M. Zekkal ; un homme modeste, souriant et qui aime son travail. J'étais content qu'il ait aimé la version longue de ce projet. La série Saâd el Gatt a très bien marché au Ramadhan dernier, lors de sa diffusion sur la chaîne nationale (A3). Une deuxième saison est-elle prévue ? Je pense que oui. On a déposé une proposition à la télévision. Mais, sincèrement, j'aimerais bien faire un feuilleton social, “drama”, car la comédie est très difficile et demande beaucoup de temps, de préparation, et de très bons dialogues. De plus, la comédie n'est pas aussi valorisée qu'un feuilleton. Et pour preuve, Saâd el Gatt, qui a été réalisé en un temps record et avec un mini-budget, a été mis à l'écart par la programmation. Vous avez eu une expérience dans le cinéma amateur avant de vous tourner vers le professionnel. Mis à part les moyens financiers, y a-t-il réellement une différence entre les deux ? Je pense qu'il n'y a pas beaucoup de différences, car même si on travaille à présent avec des équipes professionnelles, il y a toujours un côté amateur : cela commence par le scénario, puis la préparation minimale, etc. Je pense qu'ici, beaucoup sont encore amateurs, mais sans vraiment le vouloir. Et ce n'est pas en ramenant des techniciens de l'étranger qu'on va améliorer le côté technique et qu'on deviendra professionnel. Un réalisateur deviendra professionnel s'il se donne à fond et respecte son travail après l'avoir assimilé dans tous ses aspects. Le court-métrage propose un foisonnement de thématiques et les réalisateurs montrent une grande liberté de ton. Alors, ce genre cinématographique est-il un format d'avenir en Algérie ? Certains pensent que les jeunes réalisateurs algériens sont des amateurs et ne peuvent pas encore réaliser de longs-métrages. Et ceci est faux. Les jeunes réalisateurs en sont capables. Ils réalisent des courts parce qu'ils aiment ça et parce que c'est la seule façon pour eux de s'exprimer. En quoi un réalisateur de trente ans en France ou en Egypte serait-il mieux que moi ? Je travaille depuis onze ans dans le cinéma professionnel, j'ai participé à beaucoup de festivals de renommée, j'ai fait des stages de scénarios, j'ai lu des livres sur le cinéma et la critique et j'ai réalisé des spots publicitaires, des documentaires, des courts-métrages et des séries, et malgré tout cela, je me sens comme un adolescent dans le domaine. Par contre, un jeune de 25 ans en France, par exemple, est beaucoup plus adulte que moi dans le domaine. Par ailleurs, je ne suis pas d'accord, le court-métrage n'est pas un format d'avenir… ni même le long d'ailleurs.