Le débat au Conseil de la nation, dimanche dernier, autour du financement du cinéma algérien, a vite pris une tournure politique, qui renseigne sur les convulsions du microcosme dirigeant. Abdelkader Bensalah, le président du Sénat, n'est pas connu pour être “une grande gueule” ; on ne lui connaît pas de réactions “épidermiques”. En décidant de censurer la ministre de la culture, Khalida Toumi, sur la question du financement des films historiques et du rôle du ministère des Moudjahidine, Abdelkader Bensalah a voulu mettre un terme à un débat, pourtant d'actualité, à savoir qui se chargera de l'organisation des festivités du 50e anniversaire de l'indépendance ? Pour Bensalah, cette question sera débattue, à huis clos, au sein de la commission “culture et information”. Le président du Sénat, tout comme le ministre des Moudjahidine, sont du RND et la commission interministérielle devant tracer le programme des festivités est présidée par le patron du RND, Ahmed Ouyahia. L'on comprend dès lors que l'enjeu, au-delà des sommes colossales que devraient coûter ces festivités, est d'abord politique. Et ce n'est pas un hasard que la ministre de la culture soit interpellée sur la question par la moudjahida Zohra Drif. Celle-là même qui avait mis en garde, en des termes crus, le premier ministre, quant au malaise social et avait prévu une explosion. La question de l'Histoire reste toujours difficile à gérer. Entre la propagande bête et méchante et le dénigrement tous azimuts, la raison n'arrive toujours pas à trouver de place, auprès des gérants de ce dossier explosif. Résultat des courses : des films ont été réalisés. Comme celui sur Mustapha Benboulaïd, ou encore “Hors-la-loi”. Les deux ne constituent pas des documents historiques. Mais les deux ont fait débat et ont montré que l'écriture de l'histoire était indispensable pour éviter de rester piégés dans des règlements de comptes infinis. Khalida Toumi, dans sa brève réponse, a précisé que “la protection et la mise en valeur du patrimoine historique lié à la guerre de libération nationale relèvent des missions du ministère des Moudjahidine”. et d'ajouter : “Le cinéma relève, quant à lui, des missions du ministère de la Culture. Pour s'en convaincre, je vous renvoie aux décrets exécutifs qui fixent les attributions de chacun des ministères. Enfin, je peux vous décrire, et je l'ai fait, comment s'effectue le financement du cinéma par le ministère de la Culture, mais je ne peux rien dire sur comment s'effectue le financement du cinéma par le ministère des Moudjahidine. Je n'en connais pas les procédures.” Le ministère des Moudjahidine peut-il, et dans quelles mesures, prendre en charge la production cinématographique ayant trait à la Révolution ? La question mérite d'être posée, dans la mesure où l'on s'apprête à tracer le programme des festivités du 50e anniversaire de l'indépendance et qu'à ce titre plusieurs projets cinématographiques sont annoncés. Les célébrations devraient être grandioses et l'on prévoit même de faire un grand défilé militaire que l'Algérie n'a pas organisé depuis plus de 20 ans. Toutes ces festivités appellent à une organisation multi sectorielle où chaque partie intéressée à imprégner sa marque sur l'histoire voudrait avoir le dernier mot.