Le décalage entre les dirigeants du pays et ce qui se passe sur le facebook DZ est énorme. Ni les représentants des partis au pouvoir ni leurs proches ne semblent comprendre l'immense transformation que subit l'Algérie. Un constat très facile à faire. Il suffit de suivre l'immense activité des facebookeurs algériens depuis le début du mois de janvier pour s'en convaincre. À défaut d'avoir de vrais espaces d'expression, la société a carrément plongé dans le net. Certains diront que c'est pour fuir la réalité. Une lecture qui peut être valable mais qui est loin d'être la seule. Les facebookeurs algériens ont créé un espace dans lequel beaucoup semblent s'adapter. Le réseau social, lié par méconnaissance à la jeunesse, est devenu ces dernières semaines, la véritable scène politique du pays. Les débats y sont intenses et tous les sujets y sont abordés. Les hommes politiques sont souvent invités par les internautes à se départir de la vision des années 1990. “Ceux qui font la politique en Algérie se sont bloqués avec l'instauration de l'état d'urgence”, écrit un facebookeur sur son profil en précisant : “Ils oublient qu'entre-temps, 19 ans sont passés et que les Algériens ne sont plus les mêmes !” Ce fossé se confirme de plus en plus dans les nombreux forums créés sur le réseau social. Les critiques abondent dans tous les sens. Tout est remis en cause. Cependant, un consensus semble être trouvé autour de la marche nationale à laquelle la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD) a appelé pour samedi prochain. Plusieurs profils de groupes ont été créés pour cette occasion. On peut citer celui de la CNDC : “Marche du 12 février sur tout le territoire”. Jusqu'à lundi dernier, 3 264 personnes ont confirmé leur présence pour les manifestations prévues dans plusieurs villes algériennes (Alger, Constantine, Bordj Bou-Arréridj, Annaba et Oran), et même celles prévues à l'étranger (Paris, Grenoble et Montréal). L'un des groupes qui fait le plus parler de lui est sans aucun doute “Envoyés spéciaux algériens” (SPA). Avec presque 21 500 membres, SPA est devenu un repère pour les nombreux facebookeurs qui recherchent des infos sur ce qui se passe en Algérie, mais également en Tunisie et en Egypte. Ce groupe s'est distingué depuis le début du mois de janvier, avec les émeutes qui avaient secoué le pays. Les débats y sont très nombreux, et parfois houleux. Les administrateurs de SPA ont réussi ainsi à créer un espace dans lequel on peut retrouver toutes les tendances. Un véritable baromètre pour ceux qui veulent avoir une idée sur le monde de Facebook en Algérie. Pour la marche de samedi prochain, un sondage a été effectué par les administrateurs de la “communauté” avec la question : “Allez-vous participer à la marche pacifique du 12/02/2011 ?” 574 personnes y ont participé (entre le 3 et le 4 février), et le “oui” l'avait emporté avec 61,36%. “Algérie Pacifique” est un autre lancé en janvier dernier. Le rendez-vous du 12 est évidemment dans leur “ligne de mire”. L'opinion de Omar, un des membres, sur l'impact de facebook au sujet de la marche, semble mitigée. “Les jeunes activistes sur le net peuvent jouer un rôle déterminant, à condition que la Coordination prenne en charge leurs revendications en les intégrant dans la plate-forme. On ne va pas aller jusqu'à dire qu'on peut avoir le même impact qu'en Egypte et en Tunisie, dans la marche du 12, mais dans les futures marches et mobilisations, je suis persuadé que cela peut facilement se produire”, affirme-t-il, avant d'ajouter que “c'est juste une question de temps et de préparation”. Parmi ceux qui se distinguent sur facebook, il y a Amazigh Kateb. En plus d'être chanteur, il est en train de se donner un autre statut, celui d'activiste sur le net. Le message affiché sur son profil il y a quelques jours en est la meilleure illustration : “Important : pour la marche du 12, le pouvoir peut, comme en 2001, et comme Moubarak aujourd'hui, payer ou envoyer des casseurs et des flics en civil. Demandons aux jeunes des quartiers populaires, notamment sur le tracé de la marche (place du 1er-Mai - place des Martyrs) d'être vigilants avec nous, à ceux qui voudraient semer le chaos et les neutraliser. Ce pouvoir va tomber. Ecoutez : il tremble.” Activiste, militant, cyber-dissident, une panoplie de titres qui pullulent depuis janvier dernier sur le réseau social en Algérie. Une réaction loin d'être surprenante devant l'absence de véritables relais politiques et de champs d'expression libre. Nombreux sont ceux qui affirment que facebook en Algérie ne peut égaler celui en Tunisie ou en Egypte, oubliant toutefois que c'est exactement le même discours qu'avaient les dirigeants de ces deux pays avant que la vague de contestation ne les submerge. Omettre et négliger l'impact de ce réseau social, c'est, au moins, confirmer ce que beaucoup disent sur les acteurs de la scène politique : ils sont “has been”.