La conférence, animée hier par le Dr Ahmed Benbitour, autour du thème “Défis pour une réforme politique calme et porteuse en Algérie” a subi un petit contretemps que d'aucuns ont qualifié de politique. La communication, qui devait avoir lieu au Centre des études stratégiques du journal Echaâb, a finalement été programmée à l'hôtel El-Djazaïr, sans aucune annonce préalable. Dans l'opposition pacifique depuis des années, l'ancien Chef du gouvernement, connu aussi pour sa discrétion, a évité de verser dans la polémique, se contentant de développer le sujet de sa conférence articulée autour de huit points qu'il nommera défis devant permettre l'instauration d'une véritable démocratie. Il parlera de défis politique, économique et social, culturel, de gouvernance, d'éthique, des élites et d'intégration. Pour le conférencier, atteindre cet ensemble d'objectifs, pour asseoir un Etat de droit, exige plusieurs années, dix-sept ans environ, sachant que dans un premier temps, il faut sept ans pour calmer la révolte et assurer la transition. Ces objectifs se résument en “l'instauration d'une démocratie moderne et non octroyée, la mise en place des mécanismes politiques pour une diversité d'opinions dans un cadre sain, l'encouragement des compétences à accéder aux sphères du pouvoir”, explique l'orateur qui ajoute qu'“il est grand temps que l'Etat assure le service minimum pour améliorer les relations avec les citoyens, notamment en levant l'état d'urgence et en ouvrant l'espace aux moyens de communication pour une liberté d'expression”. Toutefois, Abdelhamid Mehri, présent à la conférence, a fait remarquer que le changement attendu ne prendra pas autant de temps. “Il faut un changement radical, imminent et global”, a précisé l'ancien patron du FLN. Dans un comparatif de la situation actuelle en Algérie avec les évènements qui se sont déroulés en Tunisie et en Egypte, Ahmed Benbitour fait une similitude dont, pourtant, beaucoup d'observateurs et analystes ne font pas de liaison.“Pour nous, c'est une leçon qu'il faut considérer en tant que telle”, répond l'ancien Chef du gouvernement, soulignant que “ce sont les mêmes causes qui ont conduit au mouvement de protestation dans les trois pays, à la différence que chez nous, les choses devraient, compte tenu des richesses de l'Algérie, être autrement”. `Revenant sur les dernières marches, le conférencier affirme que “le changement ne peut pas venir de l'intérieur, allusion faite à l'Etat, mais de la pression en crescendo de la société civile, de la capacité d'alliance des partis et associations engagées, et de l'élément déclencheur, comme cela a été le cas en Tunisie avec la mort du jeune Mohamed Bouazizi”. M. Benbitour n'a pas manqué de préciser à un confrère qu'il était bien présent aux deux marches mais qu'il s'est fait discret pour ne pas donner matière à des rumeurs de récupération. “Je suis un vendeur de messages, pas un directeur de campagne”, dira-t-il ironiquement. Et de reprendre qu'“il faut marcher autant de fois que nécessaire pour un changement du système car on n'a pas au niveau du pouvoir les compétences voulues”. À la question de savoir si Benbitour était intéressé par un poste de ministre, il répondra tout simplement qu'il a eu à assurer les fonctions de chef de gouvernement, mais il avait démissionné, de même qu'il a reçu des propositions de Bouteflika, à son arrivée, de faire partie du gouvernement, proposition qu'il avait déclinée. Concernant les dernières interventions de l'étranger au sujet de la situation en Algérie, Benbitour considère que “les puissances étrangères ne peuvent plus cautionner les régimes en place car ils savent que pour ces derniers, l'heure de partir a sonné”, affirmant que 2011 est l'année du changement en Algérie.