Le diagnostic est unanime : l'université algérienne est malade. Et rien de plus emblématique du malaise qui ronge cette institution que cette contestation estudiantine depuis maintenant quelques mois et qui semble s'inscrire dans la durée. “Elle est devenue une machine à produire l'échec”, décrète Farid Cherbal, chercheur, professeur à l'université de Bab-Ezzouar et syndicaliste. Invité hier de l'espace Socrate News pour une conférence-débat sur “la crise de l'université algérienne”, une initiative du tout nouveau Mouvement des jeunes indépendants pour le changement (MJIC), Farid Cherbal établit un constat sans complaisance de la situation de l'université algérienne. Parmi les éléments structurants de la crise, selon lui, figurent notamment l'ouverture à tour de bras d'établissements universitaires “sans moyens” ; la poussée vers la porte de sortie d'anciens coopérants techniques au début des années 1980, comme ce professeur émérite devenu père du nucléaire au Pakistan ou encore cet autre enseignant vietnamien dont la réputation a dépassé son pays, au nom de la sacro-sainte “algérianisation” de l'université ; la suppression des stages, à contre-courant des normes établies par l'Unesco ; la dissolution de l'Office national de la recherche scientifique dans “l'opacité” et la diminution drastique du budget de formation ; la gestion “opaque et antidémocratique” de l'université ; l'absence d'investissements économiques en aval pour résorber l'arrivée massive des diplômés sur le marché de l'emploi ; la “désignation”, au mépris de ce qui se fait sous d'autres latitudes, des responsables académiques ; l'exil interne et externe sous “l'effet de la crise” (le coût des formations des étudiants des pays du Sud qui rejoignent les pays occidentaux est estimé à quelque 10 milliards de dollars par l'Unesco), et enfin la dégradation des conditions socioprofessionnelles des enseignants. Bref, “il y a une absence de politique d'enseignement supérieur et de la recherche scientifique depuis la fin des années 1970”, soutient-il. Selon lui, le mouvement de contestation actuel des étudiants est un signal d'alarme lancé à la société et à l'état. “L'université ne doit plus produire de chômeurs.” Comme beaucoup d'étudiants, le chercheur semble préférer l'ancien système d'enseignement au LMD, “parachuté” en 2004 sans débat ni consultation. “L'inquiétude portée par les étudiants de l'ancien système est fondée. Ce système structure la conscience nationale. Le LMD est venu pour diminuer les coûts des formations”, affirme M. Cherbal. Quelle thérapie alors ? M. Cherbal prescrit un chapelet de propositions, mais qui doivent intervenir à l'issue d'une évaluation et d'une radioscopie de toute l'institution. “Il faut aller vers des états généraux de l'université”, préconise-t-il. Parmi les propositions formulées : l'augmentation du budget de l'enseignement supérieur, la consécration de la gestion démocratique à travers les élections des responsables académiques, la remise de l'anglais au cœur de l'enseignement, la mise sur pied d'un organe de recherche, une politique de passerelles et la définition du type de coopération internationale, entre autres. Considérant que “l'université est sinistrée”, selon une formule consacrée du défunt Mohamed Boudiaf, une représentante du MJIC a appelé au “débat”. Karim Yamoun, un jeune étudiant venu de Tizi Ouzou, a, quant à lui, estimé que “les étudiants ont longtemps souffert de la gestion politique de l'université”. Selon lui, le système LMD a été imposé par l'UE. “On veut une université publique et nationale.” Mais, il faut réformer tout le système éducatif, a-t-il toutefois préconisé, sous les applaudissements de quelques dizaines d'étudiants, pour la plupart membres du MJIC, présents dans la salle.