Le volume des exportations hors hydrocarbures (EHH), en dépit d'une volonté politique clairement affichée, reste en deçà des attentes. L'avis est partagé à la fois par les pouvoirs publics et les opérateurs économiques. Le seuil psychologique de deux milliards de dollars projeté tous les ans par les autorités en charge de ce dossier n'est jamais atteint. La situation a empiré encore avec l'interdiction de l'exportation des déchets ferreux et non ferreux. Les résultats ont régulièrement avoisiné le milliard de dollars, il y a à peine cinq années, le chiffre est resté le même l'année dernière. Les EHH ont été évaluées, en 2010, à près de 1,6 milliard de dollars seulement. Une somme tout simplement dérisoire. Pis, n'étaient-ce les exportations de sucre blanc réalisées par le groupe Cevital, la valeur aurait été encore moindre. Tenter d'analyser les causes à l'origine d'un tel désastre est toujours un acte souhaité par tous. Cette fois-ci, l'initiative vient du privé, notamment du groupe industriel Benamor, qui a pris le problème à bras-le-corps. Il a organisé, hier, une journée d'étude dédiée à l'exportation dans la filière agroalimentaire. Si ce créneau dispose de réelles potentialités et de nombreuses opportunités à l'export, il n'en demeure pas moins qu'il fait face aux mêmes problématiques que celles rencontrées par les autres secteurs d'activité. Ainsi, il est plus judicieux d'étudier le phénomène dans sa globalité. Autrement dit, diagnostiquer les EHH de manière générale, sans se focaliser trop sur l'agroalimentaire. C'est, d'ailleurs, la démarche suivie par Réda Hamiani, président du forum des chefs d'entreprise (FCE) qui a énuméré tous les points négatifs caractérisant l'acte d'exporter en Algérie. Pour lui, il est difficile, voire impossible de se retrouver dans tout ce “dédale” de réglementations pour pouvoir se placer sur le marché international. L'administration chargée de l'économie du pays n'accompagne plus, selon lui, les opérateurs. Les contraintes bloquant l'acte d'exporter ciblées Le président du FCE estime que les politiques économiques du pays doivent, au contraire, assister davantage les entreprises, notamment les exportateurs. Or, ce n'est pas le cas. Il cite l'exemple des 10% de devises autorisés à être rapatriés par les exportations à l'issue de chaque opération d'exportation. Ce taux, estime-t-il, est insignifiant. Auparavant, la totalité des devises était laissée à la disposition des exportateurs. “Puisque l'Etat se targue de disposer d'un matelas en devises avoisinant les 150 milliards de dollars, accorder quelques centaines de millions de dollars aux exportateurs ne va pas influer sur la situation financière du pays”, relève-t-il. D'où la nécessité de revoir à la hausse ce taux. Aujourd'hui, constate-t-il, il n'est pas permis à un opérateur d'installer ses propres filiales à l'étranger. Pourtant, ces structures juridiques peuvent servir de relais qui formeront tout un réseau. Le refus émane de la Banque d'Algérie qui n'autorise pas un exportateur à s'installer à l'étranger. La loi algérienne interdit également le paiement de commissions (2%, 3% ou 5%) au profit des représentants des exportateurs à l'étranger qui sont sélectionnés pour écouler la marchandise. M. Hamiani affirme aussi que le délai de quatre mois fixé pour rapatrier l'argent issu de la vente des marchandises est trop court. Il est difficile de respecter une telle réglementation, notamment en Afrique. Etant donné qu'il n'est pas aisé pour les Africains d'ouvrir des lignes de crédit, il est préférable, suggère Réda Hamiani, d'accorder plus de temps à ces opérateurs afin qu'ils puissent commercialiser leurs marchandises d'abord et ramener l'argent ensuite. Ce que déplore plus le président du FCE, c'est que toute personne ne respectant pas ce délai est passible de prison, d'autant que cette infraction relève du pénal ! Abordant le sujet du jour, M. Hamiani soulève le “désencrage”, la “déconnexion” qui persiste entre l'appareil de production agro-industriel et l'amont, à savoir l'agriculture. Sur un autre aspect, le président du forum n'y est pas allé avec le dos de la cuillère pour dénoncer la manière avec laquelle sont mis en œuvre les accords conclus par l'Algérie avec, à la fois, l'UE et la Zone arabe de libre-échange (Zale). Notre pays n'exporte que pour une valeur de 42 millions de dollars vers l'Europe et 20 millions de dollars dans le cadre de la Zale. “C'est décevant”, martèle Réda Hamiani, qui qualifie l'Europe de “marché de dupes” et la Zale de “marché de l'hypocrisie”. Car, argue-t-il, les conditions d'accès au marché européen, surtout les normes exigées, sont contraignantes, tandis que les pays arabes établissent régulièrement des listes négatives au sein de la Zale, touchant ainsi les produits algériens. Il ne faut, cependant, pas se contenter d'établir des constats mais proposer des solutions. Mieux, il faut mettre en pratique celles-ci. Cevital : une expérience à méditer Dans ce cadre, il a annoncé l'élaboration d'une nouvelle feuille de route afin de promouvoir les exportations hors hydrocarbures. M. Benbada a déclaré que son département avait préparé une plate-forme de travail, en collaboration avec l'Association des exportateurs (Anexal), qui sera proposée aux experts durant le mois de mai pour sortir avec des propositions complémentaires. Les axes qui seront pris en compte pour ce plan de soutien aux EHH traitent, d'après le ministre, de la mise à niveau et la qualification des entreprises, de la logistique dédiée à l'exportation, la recherche scientifique et les ressources humaines, et le développement de l'environnement de l'entreprise pour l'export (financement…). Pour M. Benbada, l'industrie agroalimentaire, qui représente 40% du PIB de l'industrie globale du pays, nécessite un soutien de la part des autorités. Invité à présenter son expérience dans l'exportation, le groupe Cevital, par la bouche de son représentant, M. Nasser-Eddine Medjdoub, a mis l'accent sur quelques paramètres jugés indispensables pour réussir une opération d'exportation. Il évoque la logistique portuaire et interportuaire qui doit raccourcir au maximum les délais de traitement des exportations. Les autorités douanières, l'administration et le contrôle qualité doivent être, selon lui, rapides dans l'étude des dossiers. Cette rapidité doit également concerner les banques et les procédures bancaires. Le soutien du gouvernement est enfin souhaité. Cevital est le premier exportateur de sucre en Algérie avec 400 000 tonnes en 2010. Il compte doubler ces exportations à 800 000 tonnes en 2011.