La mise en service, prévue hier à 11h13, n'a finalement eu lieu qu'à 12h13, soit une heure de retard. Ce qui a contraint de nombreux invités, dont des ministres, à quitter les lieux, laissant Amar Tou seul. Le ministre des Transports évoque un “hasard” dont il ne semble pas très convaincu. Coup de théâtre, hier, à la station de tramway de la cité Zerhouni-Mokhtar. La mise en service du premier tronçon du tramway d'Alger, annoncée en grande pompe, s'est finalement déroulée dans des conditions pour le moins catastrophiques. En choisissant la date du 8 Mai pour l'exploitation commerciale de la ligne, le ministère des Transports a voulu en faire une journée historique. Il en sera doublement en raison des nombreux incidents qui ont émaillé cette longue et inoubliable journée. Le principal incident qui a marqué ce lancement aura été la subite et inattendue coupure d'électricité au moment, voire à la minute même où le tramway allait faire le bonheur des nombreux curieux qui n'ont pas voulu rater cette journée historique. C'est au moment où le tramway allait quitter la station de la cité Zerhouni que l'alimentation en énergie électrique a été coupée. Les rames étaient archicombles, vu le nombre d'invités officiels et, surtout, le flux important et inattendu des riverains. Les rames ont vu leur capacité de 300 passagers tripler. Les portes étant fermées pour bloquer l'afflux des citoyens, c'était carrément l'étouffement. On ressentait le manque d'oxygène. “Il y a un manque d'énergie”, chuchotent des conducteurs. Un véritable branle-bas s'ensuit. Que se passe-t-il ? Y a-t-il un problème ? Pourquoi le tramway ne démarre pas ? Autant d'autres interrogations, notamment par rapport aux raisons qui ont fait que de nombreux passagers ont failli étouffer à l'intérieur des rames. Les portes s'ouvrent enfin. Amar Tou, son staff et ses invités descendent de la rame. Certains ministres et autres responsables de compagnies de transport quittent carrément les lieux. Les nerfs à fleur de peau, Amar Tou tente de garder son calme et demande des explications. Au départ, le ministre allait lui aussi quitter les lieux, mais le directeur de l'énergie de la wilaya d'Alger promet de régler le problème. Les contacts téléphoniques se multiplient. Le ministre des Transports est pressé par les journalistes qui demandent ce qui se passe au juste. “Le directeur de l'énergie de la wilaya d'Alger est là. Il nous dira ce qui se passe”, répond Amar Tou, qui tente difficilement de garder son sang-froid. La déception se lisait sur son visage, mais il a tout fait pour tenir le coup. La réponse tombe. “Il s'agit d'un déclenchement au niveau du poste situé à Alger-Centre qui a provoqué la coupure de l'alimentation de la commune de Bab-Ezzouar”, révèle le directeur. Questions : pourquoi aujourd'hui ? Pourquoi cette région et ce jour ? Serait-ce un sabotage ? Un acte prémédité ? Les interrogations et autres commentaires à l'adresse du ministre qui ne sait plus quoi faire vont bon train. Imperturbable, Amar Tou lance à une journaliste : “Oui, il y a eu une coupure d'électricité au moment où on allait partir.” Et d'ajouter avec un sourire qui en dit long : “Pourquoi à 11h13 ? Pourquoi pas avant ou après, juste à l'heure prévue pour le départ ?” Question : serait-ce prémédité ? Le ministre, qui semble convaincu de cette thèse, ira jusqu'à nous dire que ça sent le sabotage. Officiellement et au micro des chaînes de radio, le ministre préfère parler de “hasard”. “Oui, cela peut arriver. Une coupure survient par hasard, c'est possible”, dit-il avec un sourire au coin des lèvres. Au milieu de la station, noire de monde, les commentaires vont dans le sens d'un acte prémédité et planifié, mais par qui ? Après une heure d'attente, enfin le départ En un mot, et outre cet incident, c'est dans une cacophonie totale et une désorganisation à tous les niveaux que la tant attendue mise en exploitation de la ligne du tramway Bordj El-Kiffan-Les Bananiers a eu lieu hier. Que ce soit un acte prémédité ou dû à un simple hasard, la coupure d'électricité a, certes, retardé l'inauguration, mais la mise en service a finalement eu lieu, néanmoins dans une totale désorganisation en raison de l'afflux des citoyens qui ont même eu le droit d'approcher le ministre et de discuter du projet avec lui. À 12h, le courant est rétabli. Les rames, pleines à craquer, n'arrivent plus à démarrer. Et, une fois de plus, le ministre descend et s'emporte : “Que se passe-t-il ?” On lui répond qu'il y a surcharge et qu'il y a beaucoup de journalistes. “Prenez-les, moi je reste ici”, lance le ministre. Il proposera aux responsables de l'Etusa de faire démarrer la première rame prise d'assaut par les riverains. Nous prenons place dans une autre rame, et ce n'est qu'à 12h13 que le tramway démarre enfin en traversant 14 stations sur une distance de 7,2 kilomètres de la cité Les Bananiers, à Bordj El-Kiffan. Roulant à seulement 30 kilomètres/heure, le tramway traverse la cité Rabia-Tahar et le centre-ville de Bordj El-Kiffan sous le regard admiratif des passants qui attendaient le passage d'une autre rame pour monter, d'autant que la balade inaugurale était gratuite. 12h50 : arrivée aux ateliers de Bordj El-Kiffan de la délégation. La pression baisse. Les différents partenaires du projet, Alstom, Etusa, Métro d'Alger… font des déclarations sans revenir sur le principal incident. Une usine d'assemblage des rames à Annaba Les rames qui circuleront en Algérie n'ont rien à envier à celles de Paris, du Luxembourg, du Maroc…, nous dit le chargé de communication du groupe français Alstom. Et d'ajouter que l'entretien et la maintenance des 41 rames seront assurés par ce groupe pendant 10 années en vertu d'un contrat. Le représentant du groupe Alstom précisera qu'une usine de maintenance et d'assemblage des rames, Citadis, vient d'être créée à Annaba avec des agents de Cital (une société commune entre le Métro d'Alger et Ferrovial). Son capital est de 20 millions d'euros. Ses activités de maintenance vont être lancées en 2011 et la première rame assemblée dans cette usine est prévue en 2013. Aucune date pour la livraison du reste des tronçons Pressé par les journalistes pour un délai, ne serait-ce qu'approximatif, pour la livraison du reste des tronçons, le ministre des Transports refusera d'avancer une quelconque date. Nous avons toutefois appris du côté du groupe Alstom que “le projet avance et que son budget de plus de 300 millions d'euros évolue en fonction des contraintes du terrain”. Et d'ajouter : “Nous avons une ligne de 23 kilomètres divisée sur trois tronçons, dont celui-là. La ligne Les Bananiers-Les Fusillées est en chantier. Quant à l'extension vers Dergana, elle n'est pas encore engagée.” Regain de la violence routière Les statistiques des derniers mois sur les accidents de la route font état d'une nouvelle montée en flèche. Le ministre des Transports a confirmé la tendance en révélant que “nous sommes malheureusement revenus pour ces deux derniers mois à la situation de 2009. C'est-à-dire avant l'application de la nouvelle loi.” Question : y a-t-il relâchement ? “Nous ne savons pas, nous étudions justement la situation”, estime Amar Tou.