Résumé : En se réveillant, Belkacem constate que son hôte avait quitté les lieux. Il se hasarde alors à sortir dans la cour, où deux femmes faisaient la lessive. Son regard croise alors celui de Hawa et son cœur se pince. Le mari de cette dernière vint le retrouver et lui demande de rester. Mais Belkacem refuse. 78eme partie Belkacem rougit et prit le sac en jute des mains de la jeune femme : - Merci ! Que Dieu vous garde tous. Remercie ton beau-père pour moi. Il s'empresse de quitter les lieux, en ayant l'impression d'avoir un brasier au fond de son âme. Le regard de Hawa l'avait transpercé. Un geste de plus et il aurait peut-être transgressé les règles de la décence. Malgré le froid, il sentit un sang chaud affluer à ses tempes et son cœur palpiter. Vite ! il n'a pas de temps à perdre. Il faut quitter au plus tôt le village. Il dévale la pente de la colline et se retrouve en un clin d'œil devant le plan d'eau où il avait rencontré le vieillard le matin même. On dirait qu'une éternité s'était écoulée depuis… Ghenima ! Avait-il été jusqu'à oublier le but de son périple ? Il soupire et revoit le regard de Hawa. Non, Non, Non ! Il met une main sur ses yeux comme pour chasser l'image et maudit le diable. Il avait une femme. Elle avait un mari. Hawa était un fruit interdit. Un fruit empoisonné qu'il faut écarter à tout prix. Il sentit une sueur inonder son corps. Que lui arrive-t-il donc ? Avait-il perdu la raison ? Il s'asperge le visage d'eau glacée et reprend son chemin. Où va-t-il se diriger maintenant ? Son esprit s'était embrouillé et il était encore tout étourdi et surpris de ce sentiment étrange qu'il ne connaissait pas et qui venait de le foudroyer. Pourtant il aimait bien Fatiha sa femme, qui était aussi sa cousine germaine. Mais était-ce de l'amour ? Il n'en savait rien. Hawa n'était pourtant pas la première femme qu'il rencontrait. Dans son village, les femmes étaient plus belles les unes que les autres. Il n'avait jamais osé, jusqu'à ce jour, enfreindre les lois de la décence. Ni lui ni les autres jeunes de sa génération. Si un homme est attiré par une femme, il le faisait tout de suite savoir à ses parents, qui prenaient l'affaire en main et faisaient le nécessaire dans le cas où l'élue leur plaisait. Dans le cas contraire, c'est-à-dire s'ils refusaient, l'amoureux n'avait plus qu'à s'incliner. Mais en principe, ces choses se traitaient entre hommes et le comité de la djemaâ déployait toute sa sagesse afin de venir à bout de tous les récalcitrants. Belkacem marchait sans but précis. Il avait même oublié Ghenima et sa fugue. Au détour d'un chemin, il s'arrête un moment, pour ouvrir le sac en jute. Ce dernier contenait de la galette encore chaude, des olives, des figues sèches et des œufs durs. Il prit un œuf et un morceau de galette, et se met à manger tout en continuant à marcher. Va-t-il continuer ainsi ? Jusqu'à quand ses forces vont-elles résister au froid et à la faim ? Ses maigres provisions ne lui seront pas d'un grand secours, s'il se perdait dans ces montagnes enneigées. Tout en mâchant, il repense à sa femme et à son fils. Sa famille doit s'inquiéter pour lui, déjà que la fugue de sa sœur n'arrangeait pas les choses. Il réfléchi un moment, puis se décide à faire demi-tour et à rentrer. Ghenima ne pouvait pas avoir marché autant. Si elle avait quitté le village, il aurait rencontré un indice. En fin limier, Belkacem aurait retrouvé ne serait-ce qu'une trace de pas, un lambeau de robe, ou un fil de foulard. Or, il avait inspecté tous les alentours, les troncs d'arbres, les rochers… Malgré la neige, il ne doute pas qu'il aurait vite fait de reconstituer le puzzle de la fugue, de l'itinéraire et de la destination de sa jeune sœur. (À suivre) Y. H.