L'information a été donnée dans la rubrique faits divers de la presse locale. Aujourd'hui, Liberté revient avec des révélations fracassantes. La jeune Fatine, qui s'est suicidée mardi dernier dans la ville des Ponts, a été poussée à commettre le geste fatal par une administration qui n'a pas su l'écouter après l'avoir lésée dans ses droits. Les étudiants de la faculté de médecine de Constantine observent depuis la journée de samedi dernier un deuil de trois jours. Entre-temps, ils veulent que l'opinion publique sache que la jeune fille qui s'est donnée la mort mardi dernier en se jetant d'un des ponts de la ville, a été poussée vers ce geste fatal par le comportement indigne des responsables de la faculté. Ces derniers, selon les étudiants, sont allés jusqu'à annoncer aux parents de la victime que leur fille a perdu la vie suite à un accident de la circulation. Tout a commencé lundi dernier, au matin, le conseil pédagogique de la faculté de médecine de Constantine a délibéré à propos des résultats de la deuxième année. L'après-midi, les décisions sont affichées à la faculté “les Chalets”. Les étudiants qui ont eu une moyenne supérieure à 9,50 ont été admis, comme prévu en troisième année. Fatine, jeune étudiante de Ferdjioua, était sûre après avoir compté et recompté sa moyenne d'avoir une note supérieure à 9,88. D'ailleurs, c'est pour cette raison qu'elle assiste depuis quelques jours aux cours de troisième année. Grande alors fut sa déception quand elle découvre qu'elle a échoué. Sûre de l'erreur commise par l'administration, elle prend la destination du CHU où se trouvent les bureaux des services pédagogiques. Il était 15h30, jour d'affichage, et personne n'était présent. Le soir, dans sa chambre à la résidence U de Nahas, Fatine commente avec ses copines sa mésaventure. Elle rédige même une lettre qu'elle devait remettre le lendemain au doyen de la faculté. Mardi matin, elle prend le bus à 7h30 en direction du CHU. Sur place, elle supplie la secrétaire des services pédagogiques de revoir sa note et son dossier. “Il y a erreur”, ne cessait-elle de dire, selon des témoins oculaires. Quelques camarades, présentes ce jour-là, commentent la scène : “Elle était en larmes et pour seule réponse elle reçu un “rouhi ala smana vous aurez votre dossier pour vous inscrire à la fac, raki toualfi”, raconte l'une d'entre elles. Seule avec son chagrin, celui de quitter la filière médecine après quatre années de travail, car ayant deux années de doublement, elle n'avait que la réorientation comme issue. Elle était certaine d'avoir la note de passage, (plus de 9,50) mais ceux qui ont fauté s'entêtaient à faire les sourds. Convaincue qu'elle n'avait plus de place dans cette vie faite de hogra et de mépris envers le plus démuni, celui qui n'a pas comme père ou mère un enseignant universitaire ou un ponte du régime, Fatine descend du CHU, situé sur les hauteurs de la ville et se dirige vers le pont le plus proche, droit vers l'abîme, pour mettre fin à ses jours. Il était 9 heures et quelques minutes, selon des camarades de la victime. La famille hospitalo-universitaire saura la nouvelle lors de l'identification du corps quelques heures après. Aussitôt, comme pour effacer les traces d'un acte criminel, la feuille des résultats du groupe de Fatine, placardée la veille, est vite enlevée et du coup l'erreur est réparée. Fatine est déclarée admise avec un 10 R (10 après rachat). Pourquoi a-t-on attendu que Fatine se donne la mort pour réparer une faute ? Pourquoi seule Fatine paie de sa vie la conséquence d'une grave négligence ? Les étudiants des deuxième et troisième années sont choqués par le comportement inhumain de leur encadrement pédagogique. Ils sont formés par des médecins qui sont incapables de comprendre la détresse d'une étudiante. Ils sont le pur produit de pseudo-universitaires qui effacent avec sang froid les prémices d'une mort annoncée par une gestion catastrophique de la chose universitaire. Une amie de la victime est révoltée par les suites données à l'affaire : “On est parties, à Ferdjioua, chez les parents de Fatine, pour présenter nos condoléances et assister à la cérémonie funèbre. Quelle a été notre surprise quand ses parents nous ont interrogées sur l'identité de l'étudiante qui l'accompagnait quand elle fut percutée par le bus.” Elle continue en sanglots : “Imaginez qu'on a eu l'audace de faire croire aux parents de la victime que leur fille a été fauchée par un bus !” Un autre collègue assène : “Le doyen, responsable direct du drame, n'a pas daigné se déplacer à Ferdjioua. La vie de Fatine ne valait qu'une simple lettre de condoléances au pays des crimes impunis. Ailleurs, ils aurait dû, conscience professionnelle oblige, se constituer prisonnier.” Hier en fin de journée, les étudiants de médecine s'étaient engagés à faire éclaté toute la vérité sur la mort de Fatine. M. K et S. M.