Les directions des principales formations politiques expriment un grand scepticisme quant aux chances d'aboutissement de l'initiative du président de la République. Les partis craignent que l'opération lancée hier par le ministre de la Justice pour l'installation d'une commission de réflexion ne soit que purement électoraliste. “Nous ne nous sentons pas du tout concernés par cette démarche qui n'aboutira certainement pas, comme toutes les autres”, a déclaré tout de go Abderrazak Mokri, président du groupe parlementaire MSP. “Nul n'a le droit de traiter un dossier aussi sensible avec légèreté, surtout en cette conjoncture”, a ajouté notre interlocuteur. Sur les deux amendements que le ministre de la Justice veut apporter dans de brefs délais, A. Mokri s'est dit favorable à l'attribution du domicile conjugal à l'épouse, mais relativement défavorable à la suppression du tutorat sur la femme. “Cette question doit être traitée avec prudence. Dans la législation égyptienne, le tutorat a été supprimé. Cela a engendré une situation catastrophique pour la femme.” Djahid Younsi, un des responsables d'El-Islah, est carrément contre l'amendement préconisé. Il a affirmé que son parti n'est pas contre le principe de modifier le code de la famille, à condition que les dogmes de la charia ne soient pas transgressés. Dans la conception des hommes du parti, présidé par Abdallah Djaballah, la charia met la femme “pour son propre bien” sous le protectorat institutionnalisé d'un proche parent (père, frère, mari, oncle…). Elle doit garder donc son statut de mineure à vie. “Nous avons peur que la composante de cette commission soit majoritairement contre les principes dictés par notre religion”, a soutenu M. Younsi. Pourtant, une députée d'El-Islah, Aïcha Bousbah, est membre de cette commission. “Notre députée participe à la commission à titre personnel, nous n'avons pas été d'ailleurs contactés”, précise-t-il. Djamel Ferdjallah, vice-président du RCD, n'a pas donné plus de crédit à la démarche en estimant qu'encore une fois, “on veut transformer des dossiers très sérieux en alibi électoral. L'école, la justice, la famille… sont des questions lourdes qu'il faut appréhender dans un climat serein. En aucun cas, elles ne doivent servir d'instruments de chantage ou de pression électorale”. Le vice-président du RCD n'en pense pas moins, eu égard aux acquis potentiels que pourra engranger la femme, et qu'il “vaut mieux tard que jamais, pour peu que le projet aboutisse”. Pour le FLN, l'enjeu principal est de faire en sorte que la révision de cette loi, très controversée, profite réellement à la famille. “Nous ne pouvons pas donner un avis sur l'installation d'une commission. Nous attendons de voir s'il y a volonté de soumettre le projet au Parlement ou de s'en servir uniquement pendant la campagne électorale”, nous dira Abbas Mikhalif, président du groupe parlementaire FLN. Le Parti des travailleurs, par la voix de Djelloul Djoudi, réaffirme sa position en faveur de l'abrogation pure et simple du code de la famille. “Les dispositions concernant le mariage, le divorce, l'adoption… peuvent être contenues dans le code civil”, nous a-t-il déclaré. Miloud Chorfi, porte-parole du RND, s'est montré plutôt avare en commentaires. Il s'est limité à nous rappeler que son parti a toujours considéré la révision de cette loi comme un cheval de bataille du Rassemblement national. S. H.