Avertissement : cette nouvelle véridique a connu des changements de prénoms, de professions et de noms des villes afin de respecter l'anonymat. Toute ressemblance serait une pure coïncidence. 1ere partie On était au printemps. Le soleil brillait au-dessus d'Alger, diffusait des rayons chauds, pareils à des caresses bienfaisantes. Les habitants de la capitale l'accueillaient avec joie, l'hiver avait été sec, froid et sans pluie. Quant à la neige, ils ne l'avaient pas vue depuis des années. Avec avidité, l'homme aspira une profonde bouffée de cet air d'Alger, inimitable, léger, grisant et plein de senteurs mêlées. Un air duquel il avait rêvé depuis quinze ans, qu'il était heureux de retrouver après tant d'années, passées là-bas, fi bled ennass, comme il aimait le dire, à l'étranger. Non, Alger ne se retrouvait nulle part ailleurs. Aucune ville au monde ne lui ressemblait. Aucune n'avait sa chaleur, attachante, obsédante qui suivait son enfant partout où il se rendait. Une chaleur qui le gardait éveillé les nuits d'été, ces nuits où la solitude se faisait plus pesante. Ces nuits où il prend conscience de ce qu'il n'a plus, de ce qu'il a perdu, de ce qu'il ne retrouvera nulle part ailleurs. Sauf à Alger, chez lui et parmi les siens. Dieu, qu'il était heureux d'être ici. Le printemps avait mis du vert sur les arbres, sur les balcons. Les douces senteurs des fleurs aux couleurs vives le grisaient. Le trottoir s'avérait être trop étroit pour contenir ses femmes en hidjab vaquant à leurs occupations, ses jeunes hittistes à la recherche d'un boulot temporaire ou attendant de voir passer l'élue de leur cœur, sans oser sans approcher, de crainte de s'attirer les foudres d'un père, d'un frère ou d'un oncle. Ça pouvait se terminer par une bagarre. Le seul perdant si pareille situation avait lieu, était la jeune fille si elle était issue d'une famille conservatrice. Sa famille la séquestrerait, redoutant d'être déshonorée. La jeune fille n'étudiera plus, ne travaillera plus. Elle restera à la maison à tuer son temps entre le ménage, la cuisine et l'éducation de ses petits frères et petites sœurs qu'aura eus sa mère, sans compter, sans songer à ce qui adviendrait d'eux. Surtout d'elles, ses filles qui n'ont pour unique horizon, que les murs de l'appartement et les volets fermés, condamnés en l'absence d'homme à la maison. Heureusement que toutes les familles n'étaient pas conservatrices et aussi étroites d'esprit sinon les rues d'Alger n'auraient pas ce parfum qui donnait la fièvre. Ce parfum d'amour et de mystère que l'on trouvait dans le regard des jeunes filles aux balcons fleuris. C'était le printemps et le temps de s'embellir, de se parer de jolies couleurs, d'étaler sa jeunesse. Elle passerait aussi vite que le printemps. Cette jeunesse libre se promenait, certains passaient d'un pas dansant, les cheveux soulevés par la légère brise de mer. Il y avait quinze ans que Krimo n'avait pas marché sur les rues du square Port Saïd. Quinze ans qu'il n'avait pas senti le poisson frais. Il était heureux d'être ici même s'il était revenu amer, déçu, à bout de résistance. Pourquoi avait il écouté cet appel qu'il croyait être celui de l'aventure ? Un appel qui l'avait mené en enfer. Un enfer que les supplications de sa mère n'avaient pu lui épargner. Elle avait tout fait pour tenter de le retenir ici, au pays. - Si je pars, avait-il dit en essuyant les joues de sa mère en larmes, c'est en grande partie pour toi… Je veux te rendre ce que tu as fait pour moi… Tu t'es sacrifiée pour moi…Je veux que tu sois riche ! Que tu puisses acheter toutes ses robes qui te font envie, au lieu d'en faire pour les autres ! Je voudrais t'offrir toutes les choses que tu n'as jamais pu avoir ! - Mais, mon petit, mon trésor, je n'ai pas eu de robes quand j'étais jeune, ce n'est pas maintenant que j'en ai besoin ! Tout ce que je veux, c'est ton bonheur et je ne suis heureuse qu'en ta présence ! - Je te promets de vite revenir ! Le cœur meurtri, elle avait su qu'elle ne pourrait jamais le retenir. Elle avait reconnu dans les yeux de son fils la même flamme qui habitait le regard de son mari lorsqu'il lui avait annoncé son départ. - J'en ai assez de cette misère, avait dit Akli. Pour toi et notre fils, je veux devenir riche et ce n'est que là bas, que je le deviendrais…fi bled ness, j'aurais ma chance ! Je m'en sortirais ! Je te le jure ! (À suivre) A. K.