A neuf jours d'une élection très attendue en Tunisie, le président par intérim Fouad Mebazzaâ a assuré, jeudi, que les institutions de l'Etat ne connaîtront aucune vacance et qu'il passera le relais après cette échéance. Installé à la tête de l'Etat après la fuite de Ben Ali, Mebazzaâ, un octogénaire, s'était porté garant de l'autorité publique et avait promis de tout faire pour sauvegarder les acquis de la révolution. Son mandat prendra fin après les élections et la remise du pouvoir au nouvel exécutif qui sera désigné après la Constituante. “Le devoir national nous impose de continuer à assumer la responsabilité de la direction du pays et de la remettre à celui qui sera choisi par l'assemblée constituante”, a-t-il déclaré lors de la clôture des travaux de la haute instance chargée des réformes dans la Tunisie post-Ben Ali. Le 23 octobre, les Tunisiens sont conviés à ce qui est considéré comme le premier test démocratique de la révolution de jasmin : l'élection d'une Constituante dont la tâche essentielle sera d'élaborer une nouvelle Constitution. Celle-ci devra remplacer l'ancienne loi fondamentale plusieurs fois amendée sur mesure par l'ancien chef d'Etat, chassé du pouvoir par un soulèvement populaire après avoir gouverné le pays d'une main de fer pendant 23 ans. Mebazzaâ, un ancien dignitaire des époques de Bourguiba et de Ben Ali, prévoit que la passation se fera “de manière civilisée”, conformément aux aspirations des Tunisiens à la démocratie et à l'alternance pacifique au pouvoir. Selon lui, la Haute Instance peut même se prévaloir d'une mission accomplie, notant que, malgré les divergences qui opposaient en son sein les diverses sensibilités politiques et intellectuelles, elle avait réussi la délicate mission d'assurer la transition de la Tunisie de la tyrannie à la liberté et à la démocratie. A son crédit, outre la veille au plan sécuritaire à l'intérieur et à la frontière avec la Libye, il a cité la création de l'Instance indépendante chargée des élections (ISIE), l'adoption d'un code électoral, et plusieurs lois relatives aux partis et aux associations. Le président de la Haute Instance, Yadh Ben Achour, un éminent juriste, a dû user de tout son savoir-faire pour maintenir un consensus fragile et relever le défi de mener sa mission à terme, malgré les pressions. L'institution intérimaire qui a préfiguré la Tunisie post-Ben Ali a été souvent la cible de critiques, notamment de la part de deux grands partis, le mouvement islamiste Ennahdha, qui a fini par claquer la porte, et le Parti démocratique progressiste (PDP), revenu lui à de meilleurs sentiments. Il est à rappeler que la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique avait été créée le 15 mars 2011 par la fusion du Conseil de la défense de la révolution (groupe, soutenu, à l'époque par ce qu'on appelait “Kasbah 1” et contesté par la majorité silencieuse) et de la Commission supérieure de la réforme politique, l'une des trois commissions nommées pour réformer l'Etat tunisien. Formée d'une mosaïque d'organisations, partis et indépendants, cette instance a grandi avec l'élargissement du nombre de son effectif qui comptait, au départ, 71 membres avant de passer à 120 puis à 155, dont douze partis politiques, dix-neuf organisations dont des syndicats, associations de la société civile ou professionnelles et des personnalités indépendantes. Donc, seuls 12 sur les 116 partis existants ont été représentés dans l'Instance, plus d'une centaine de partis, ayant obtenu leurs visas n'ont pas eu l'occasion de s'exprimer et d'intervenir dans les travaux ou prises de décision. Des différends se sont souvent déclenchés entre les membres et des éclats de voix ont été entendus plus d'une fois. Même les journalistes ont eu du mal à accomplir leur couverture médiatique… Après tout, une démocratie en gestation n'est jamais une sinécure. Néanmoins, nul n'a eu à nier l'apport de cette instance en ce moment précis de l'histoire de la Tunisie au rendez-vous avec la démocratie. Elle a été à l'origine de la création de l'Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) qui, de l'avis de tous, fait des efforts considérables afin d'organiser les élections de la Constituante, dans les meilleures conditions possibles. L'Instance Ben Achour a également imposé la parité hommes-femmes sur les listes électorales, un acquis qui vient renforcer les acquis de la femme tunisienne, déjà garantis par le Code du statut personnel et régulièrement renforcés par la suite. A noter toutefois que la décision d'exclusion des ex-RCDistes et de ceux qui ont appelé Ben Ali à se représenter à l'élection prévue en 2014, prise par cette Instance, a été longtemps controversée quant au principe, aux modalités d'application et aux personnes concernées par cette mesure. D. Bouatta Cabossa 16-10-2011 14:57 mecipsa 15-10-2011 10:18