Contre toute attente, le président syrien ouvre les portes de son pays pour des missions d'inspection de la Ligue arabe comportant même des journalistes pour se faire une idée exacte de la situation en Syrie. Ne faut-il pas s'en assurer vraiment ? Soutenue par certains pays arabes et des cercles politiques dans d'autres, Damas ne lâche pas prise et revient à la charge en demandant un sommet extraordinaire de la Ligue arabe, de laquelle elle devrait être suspendue à partir du 16 novembre. Le régime de Bachar al-Assad joue-t-il sur cette brèche pour se relancer au sein de l'organisation panarabe ? C'est apparemment le cas avec cette demande pour la tenue d'un sommet extraordinaire urgent de la Ligue arabe formulée par Damas. En effet, alors que les analystes s'attendaient à ce qu'il refuse toute mission en Syrie, à l'instar de ce diplomate arabe en poste auprès de la Ligue arabe qui déclarait : “Nous allons essayer d'envoyer des observateurs civils pour la protection de la population, mais évidemment il n'est pas sûr que le gouvernement syrien accepte, et probablement il va refuser”; le chef de l'Etat syrien se dit disposé à recevoir des délégations. “La Syrie demande la tenue d'un sommet arabe urgent pour remédier à la crise et à ses conséquences négatives sur la conjoncture arabe”, a indiqué un communiqué officiel, reproduit par l'agence de presse Sana, dans lequel les autorités syriennes invitent également les pays arabes à envoyer des ministres en Syrie pour s'enquérir de la situation sur le terrain et superviser l'application du plan de sortie de crise proposé par la Ligue arabe. La même source ajoute que la Syrie “accueille favorablement une visite d'un comité ministériel arabe avant le 16 novembre”, date à laquelle la décision de la Ligue arabe doit entrer en vigueur. Mieux, Damas donne son feu vert pour que cette délégation soit “accompagnée d'observateurs, d'experts civils, militaires et de médias arabes afin de s'informer directement de ce qui se passe sur le terrain et de superviser, en coordination avec le gouvernement syrien, l'application du plan arabe”. Avec cette proposition, Bachar al-Assad accule la Ligue arabe, qui ne peut se dérober devant cette offre, dont le mérite sera de discréditer totalement le régime de Damas si les accusations de l'opposition sont avérées, ou d'ouvrir la voie à une solution en adéquation avec la réalité du terrain. Des victimes, il y en a tous les jours en Syrie, et il ne faut négliger aucune opportunité pouvant mettre fin à la boucherie. Le texte souligne que “la Syrie, qui a accepté le 2 novembre ce plan, y voit toujours un cadre adéquat pour remédier à la crise, loin de toute ingérence étrangère”, et demande au secrétaire général de la Ligue arabe, Nabil Al-Arabi, d'“agir rapidement pour appliquer ces propositions”. Pendant ce temps, ce dernier a annoncé, lors d'une visite à Tripoli hier, que la Ligue arabe “étudie la mise en place d'un mécanisme pour protéger les civils en Syrie”. Exhortant de nouveau le régime syrien à appliquer le plan arabe, Al-Arabi a rappelé les mesures adoptées par la Ligue concernant le conflit en Libye, qu'il a qualifié de “tournant historique”. Il faisait allusion à la décision de la Ligue arabe de suspendre la participation de la Libye à ses réunions peu après le début de la révolte et sa violente répression, puis de demander le 12 mars au Conseil de sécurité de l'ONU de protéger la population civile libyenne. Cinq jours après cette demande, le Conseil de sécurité a adopté une résolution instaurant une zone d'exclusion aérienne et autorisant l'usage de la force pour protéger les civils, ce qui a permis, 48 heures plus tard, l'intervention militaire internationale dont l'Otan a pris les commandes fin mars. Merzak Tigrine