Face à une dérive “vietnamienne”, Bush lâche du lest : les Irakiens auront un vrai gouvernement de transition (d'ici l'été 2004) dont la priorité sera d'organiser la normalisation (Constituante et élections générales). Paul Bremer, le proconsul américain à Bagdad, s'emploie à chercher les hommes à qui sera transférée l'administration de cette phase cruciale pour les Irakiens mais aussi pour l'ensemble de cette région moyenne et proche orientale. Evidemment, il s'est orienté vers le Conseil irakien intérimaire (une véritable auberge espagnole installée en été). Et comme cette structure est dépourvue de toute légitimité, il regarde du côté des chefs de tribu. Mais tous les atouts demeurent aux mains des Américains dont l'armée reste sur place jusqu'à la lancée du nouvel irak. Sur cette question, Bush, qui a mesuré les limites de son unilatéralisme, cherche à élargir les rangs de sa coalition pour mieux gérer la dimension proprement policière du maintien de l'ordre qui est préoccupante et a rendu la présence américaine détestable. Rumsfeld courtise le Japon et l'Inde, échaudés par les attentats d'Istanbul. Ces derniers, par contre, pourraient pousser la Turquie à sortir de ses atermoiements sur l'envoi de troupes en Irak. Parmi les pays arabes, la Jordanie s'est proposée de contribuer à la formation de policiers et de militaires. Les autres ont décliné l'offre pour des raisons non pas de principe mais de cuisine interne. La France, de son côté, se déclare prête à faire montre de meilleures disponibilités, pour peu que les formes de l'occupation soient adaptées aux procédures onusiennes, relevant également les difficultés à mettre en pratique de telles dispositions dans le chaos irakien. Paris compte ainsi effacer ses fâcheries avec Washington et avoir sa part dans les marchés irakiens. Dans ce domaine, les choses vont plus vite qu'on ne le pense. Le gâteau irakien (56 milliards de dollars pour cinq années) est déjà partagé entre les grandes boîtes américaines. Les firmes Halliburton (géant du pétrole et du bâtiment dirigé par Dick Cheney avant qu'il ne devienne vice-président des Etats-Unis), Bechtel (autre colosse du BTP), Global Risk Strategy (pour la sécurité) et Digital Media (contrôlée par les fondamentalistes chrétiens pour la communication), ont raflé l'essentiel. Britanniques, Espagnols, Italiens et Australiens ont eu leurs parts, mais vraiment des miettes. Quant aux entreprises irakiennes, elles ont fait le deuil des exhortations de Bush à redynamiser l'économie locale. Il ne leur est attribué que quelques activités en sous-traitance de la part d'entrepreneurs qataris ou koweïtiens qui travaillent pour le compte de sociétés américaines. Les Américains qui envisagent de tout privatiser en Irak ont le beurre et l'argent du beurre. Dick Cheney avait, en 1992, préconisé l'instauration d'une zone de libre-échange entre l'Euphrate et le Tigre : l'Irak utile, quoi!. Pour ce qu'est de l'ordre sécuritaire, il n'a jamais été question pour Bush de transformer l'Irak en base militaire. Le pays est potentiellement explosif et les Etats-Unis en ont suffisamment dans la région. D. B.