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Quotas de femmes dans les assemblées élues
L'application de la loi face à la réalité sociale
Publié dans Liberté le 22 - 03 - 2012

La nouvelle loi organique sur le régime électoral, en appui à celle relative à l'élargissement de la représentation de la femme au sein des assemblées élues, offre l'opportunité, particulièrement aux partis politiques dits démocrates et ceux qui se disent respectueux des droits de l'homme, de relever le nombre de femmes élues au sein du Parlement, en mai prochain.
Aujourd'hui, des moudjahidate, cadres, parlementaires et représentantes de la société civile applaudissent à cette loi connue sous le nom de “loi sur les quotas”, qui a fait ses preuves ailleurs, la qualifiant de “motivation”, de “passage obligé” ou encore d'“acquis supplémentaire”. De l'avis de la syndicaliste et militante féministe Soumia Sahli, le système des quotas comme “mesure transitoire” va permettre de “doper la représentation des femmes dans les instances élues” et de donner “une meilleure visibilité des femmes, tout en corrigeant une situation d'inégalité de fait”. “La loi sur l'élargissement de la représentation de la femme au sein des assemblées élues est un acquis de nos luttes. Cette disposition est la bienvenue, mais son application demeure problématique, au regard de l'article 3”, soutient l'ancienne présidente de la Commission femmes travailleuses de l'UGTA.
Selon elle, l'article 3 laisse clairement entendre que l'ordre de classement des candidates sur les listes électorales est déterminant. “Si les femmes sont positionnées dans les premières places, nous aurons une APN avec plus de femmes, mais si l'article 3 est appliqué dans toute sa rigueur et si les partis politiques ne font pas l'effort de positionner les femmes dans des places gagnantes, nous aurons une APN amputée de la représentation de la moitié de la population”, précise Mme Sahli. Cette dernière, consciente que “le champ politique doit être ouvert à toutes et à tous”, déplore cependant que cette ouverture se soit faite “à la dernière minute, alors qu'il n'y a pas eu de débat sur les questions politiques ni sur les programmes politiques des partis”. Notre interlocutrice estime, en matière de promotion féminine, qu'il faut “continuer notre lutte contre le sexisme”, car “plus les femmes s'affirment en politique, plus les préjugés sexistes reculent et plus les préjugés tout cours reculent, plus le patriarcat apparaît pour ce qu'il est avec ses paradoxes.”
“C'est une avancée énorme”
Le point de vue du juriste Amine Hartani est révélateur des batailles menées pour “instituer” le système des quotas, mais également de celles qui restent à engager.
Avant-hier, lors d'un séminaire organisé à Alger par le Centre d'Information et de documentation sur les droits de l'enfant et de la femme (Ciddef), et réservé au leadership des militantes des partis politiques, le professeur à la faculté de droit a relevé que le texte de loi est “profondément transformé”, en comparaison avec le projet de loi soumis par le gouvernement à l'APN pour examen et adoption. “Dans le premier texte, il était question notamment d'un quota de 30%, de l'alternance –un homme/ une femme- et de sanctions financières dans le cas où cette alternance n'est pas respectée”, a indiqué M. Hartani, signalant au passage que la nouvelle loi “est en contraction avec le principe d'égalité”. “Au bout de dix ans, nous avons abouti à une loi organique de valeur presque constitutionnelle”, a-t-il ajouté. Pourtant, ce dernier surprendra plus d'une participante, en affirmant que pour la première fois, un texte de loi de ce type “vise des conventions internationales (Cedaw et convention des droits politiques des femmes)” et “institue le système des quotas”. “C'est une avancée énorme”, a-t-il renchéri, en regrettant dans le même temps que le système des quotas ait été rendu “complexe”, ouvrant désormais les interrogations autour de “la mise en application des taux différenciés des quotas” dans la réalité du terrain. Et ce, d'autant que la nouvelle loi “ne parle plus de l'alternance” et “évoque” seulement la sanction financière en direction des formations politiques encore hostiles à la mise en avant de l'élément féminin sur les listes électorales. Plus encore, les textes réglementaires relatifs à la sanction financière sont renvoyés aux calendes grecques.
Interpellé par des militantes de partis politiques sur les chances d'être vraiment élues à la prochaine APN, Amine Hartani a averti que le fait que des femmes soient portées sur les listes de leur formation ne signifie pas qu'elles accèderont à l'hémicycle, si elles ne sont pas portées en tête de liste, car “c'est le classement nominatif qui compte”. Le juriste a en outre observé “le retrait” du Conseil constitutionnel qui, d'après la loi sur les quotas, laisse faire le législateur. “La seule possibilité pour faire placer les femmes dans les premières positions sur les listes électorales, c'est la sanction financière, c'est toucher aux portefeuilles des partis politiques, comme cela se fait ailleurs”, a-t-il souligné, non sans noter que “certains partis politiques vont jouer le jeu”, même le parti du FLN, à l'origine des changements du texte initial.
La société doit s'approprier ses partis politiques
Sur le terrain, la nouvelle loi organique sur le régime électoral et notamment celle relative à l'élargissement de la représentation féminine dans les assemblées élues suscitent un certain engouement dans certains partis politiques et chez des femmes, militantes de la société politique et civile. Lors de la rencontre du Ciddef, des militantes du RND ont révélé que “la présence de la femme est importante” dans cette formation, en justifiant cela par “une note du secrétaire général demandant de placer la femme au moins en 2e position sur les listes électorales.” Du côté des militantes du MSP, “le problème entre les hommes et les femmes ne s'est jamais posé”. Mais, rien n'est encore décidé à l'heure de la création de “l'Alliance verte”. Même son de cloche chez les autres militantes présentes, du FBJ et du Front du changement.Par ailleurs, nous retiendrons ces informations rapportées par des participantes au séminaire du Ciddef, relatives à l'apparition de pratiques insolites, de “corruption”, à l'approche des législatives. C'est le cas du “paiement des voix de femmes en millions de centimes pour les porter sur des listes électorales”. Hier encore, Mme M. O., une jeune femme cadre de l'Etat et militante d'une formation politique, nous a rendu visite au journal pour nous raconter son “écœurement” devant l'insistance de militants de “payer sa place sur la liste électorale” et leur demande d'entamer sa campagne “avec les chauffeurs de taxi et dans les hammams”. “Ils ne cherchent pas les compétences, mais l'argent”, a-t-elle déclaré. Les prochaines élections, comme les précédentes, amènent avec elles des questionnements et des anomalies. Finalement, toutes nous renvoient aux questions de fond posées récemment par le sociologue Nacer Djabi : “S'il n'y a pas de conscience politique et de nouvelle culture partisane, la femme élue (comme l'homme élu) va reproduire les mêmes pratiques qu'on lui aurait attribuées”. Ce n'est plus une affaire de femmes, mais une affaire qui interpelle toute l'Algérie.
H. A.


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