On dirait qu'il vient d'arriver. Quand Ouyahia parle aux membres du Forum des chefs d'entreprise de ce qui serait bon pour l'économie de l'Algérie, on a envie de demander au secrétaire général du RND d'aller exposer son diagnostic au Premier ministre. Son diagnostic et les périls qu'il en déduit, seulement. Parce que de réponse à tant d'alarmants constats, point. Les menaces sont alarmantes : “Si on ne fait pas de découvertes d'hydrocarbures importantes, on sera importateur sans ressources pour importer dans 15 ans.” “L'entreprise algérienne doit se préparer à la compétition avec le monde à partir de 2020, date de l'entrée en vigueur du démantèlement tarifaire avec l'Union européenne.” Dans sa configuration économique d'aujourd'hui, le pays ne peut assurer le maintien du niveau actuel de sa population à moyen terme. Comme marché, il sera encore plus vulnérable parce que certaines mesures de nature protectrice ne relèveront plus de sa souveraineté. Pire, le processus d'accumulation profite à une économie informelle dont les profits ne peuvent être contrôlés du point de vue de leur orientation. Pis encore, l'argent du bazar et de la corruption soumet la loi à ses intérêts : c'est le Premier ministre qui dénonce “l'affaiblissement de la loi devant l'argent sale et sa puissance”. Ce qui est un secret de Polichinelle : les “redresseurs” du FLN disent dénoncer la logique de la “chkara”. En dressant ce tableau apocalyptique, Ouyahia prévient les entrepreneurs qu'“à l'allure où nous allons, vous disparaîtrez”. Au profit du trabendo et du marché parallèle, bien entendu. Encore un peu et il les en tiendrait pour responsables. Mais n'est-ce pas un Conseil des ministres qui mit en garde les entrepreneurs tatillons contre l'affront d'exiger de leurs clients un numéro de registre du commerce ou de les obliger au paiement par chèque, légalisant le commerce au noir ? Pas besoin d'en faire la démonstration, au demeurant, c'est le Premier ministre qui l'affirme : “L'informel est la plus grande menace sur l'économie.” Et c'est lui qui pose la règle que “l'Etat aura ainsi moins de chance de relever le défi de la croissance s'il ne s'engage pas dans la bataille contre la fraude et l'informel”. Or, l'Etat, dans sa nature actuelle, peut-il “s'engager dans la bataille contre la fraude et l'informel” ? Non. Non, parce que la fraude n'est pas une activité clandestine de délinquants condamnables. Ce n'est pas une partie qui se joue entre le gendarme et le voleur. Dans notre système, la prévarication est un privilège politique. Elle est la prérogative de puissants et l'attribut de clientèles. La lutte ne concerne que les intrus dans une pratique réservée ou les seconds couteaux “sacrifiables” dans les procès médiatiques. Quant à l'informel, il relève d'une stratégie de corruption politique, dont bénéficie d'ailleurs très visiblement l'obédience islamiste. Le principe de “tidjara halal” la dispense pieusement de tout formalisme administratif. De ce fait, des territoires entiers de non droit, des “Dubaï” qui n'ont rien de clandestin, prolifèrent à travers le pays. Devant le FCE, Ouyahia a décliné la nature de l'économie conforme au régime politique qui gère le pays. Ce qui veut dire que les recommandations du forum ont aussi quelque chose de surréaliste. M. H. [email protected]