Si l'hommage rendu au Maroc à Ahmed Ben Bella était, certes, unanime, l'incident protocolaire qui a conduit la délégation marocaine à se retirer précipitamment des obsèques à Alger est assurément du “pain béni” pour toutes les parties qui ne peuvent souffrir d'un rapprochement entre les deux pays. Tout semblait pourtant bien se dérouler. En rapportant la disparition du premier président de l'Algérie indépendante, la presse marocaine s'était montrée, à quelques exceptions, très respectueuse de la mémoire de celui qui n'avait jamais renié ses origines marocaines et qui avait même été décoré par Moulay Rachid du Wissam alaouite, la plus haute distinction du Royaume chérifien. Ces funérailles allaient même être une nouvelle occasion de retrouvailles entre des “frères”. Dans son message de condoléances, le roi Mohammed VI s'était dit très affecté par la perte d'un grand militant avec lequel le Maroc “entretenait des liens solides de considération et de solidarité”. Et pour bien marquer son affliction pour le défunt et par la même occasion son désir sincère de renouer avec l'Algérie sœur, le monarque a envoyé à Alger une délégation de “haut rang” conduite, pour rappel, par le chef du gouvernement Abdelilah Benkirane et Taïb Fassi Fihri, conseiller du roi Mohammed VI. Elle était composée en outre de personnalités nationales à l'image de l'ancien Premier ministre Abderrahmane El-Youssoufi, et de Mohamed Bensaïd Aït Idder, une figure du Mouvement de libération nationale au Maroc. Elle comprenait également Saïd Bounailate, président du Conseil national des anciens résistants et membres de l'armée de libération marocaine ainsi que de l'ambassadeur du Maroc à Alger, Abdellah Belkeziz. Pour sa part, l'Union socialiste des forces populaire (USFP), la formation politique de feu Abderrahim Bouabid, considérée comme très proche de Ben Bella, n'a pas manqué d'envoyer le jour même une délégation de son bureau politique à l'ambassade d'Algérie à Rabat à l'effet de signer le registre de condoléances. Bref, rien ne présageait un tel retournement de situation. L'information faisant état du retrait de la délégation marocaine en guise de protestation n'a été donnée par la MAP que tard dans la soirée de vendredi qui coïncidait avec le début du weekend dominical marocain. Dès lors, l'incident ne pouvait être commenté à chaud. Ce qui ne veut pas dire qu'il ne donnera pas dans les semaines à venir du grain à moudre à une certaine presse qu'on peut qualifier aisément d'“anti-algérienne”. Il faut signaler également que cet “incident” s'est produit au lendemain même de la publication d'un rapport de l'ONU sur la question sahraouie, peu favorable au Maroc et à quelques jours seulement d'une réunion décisive du Conseil de sécurité. Le chef du Polisario ayant rang de chef d'Etat à Alger cela ne pouvait que créer en effet quelques désordres chez la délégation marocaine. Et si défaillance, il y a. Elle ne peut que provenir de la partie algérienne. Jugeons-en ! Interrogé, Mohamed Farès, coordinateur du parti de la Gauche verte considère que “la délégation marocaine a eu raison de se retirer des obsèques de l'ancien président algérien, Ahmed Ben Bella. Placé Mohamed Abdelaziz à côté des présidents de l'Algérie et de la Tunisie est une erreur protocolaire”. Pourtant, les Algériens étaient avertis : dès qu'il s'agit de “Sahara occidental”, les officiels marocains sortent très vite de leurs gonds. D'après nos sources, lors de son séjour à Alger, Mustapha El-Khalfi, le ministre marocain de la Communication et porte-parole du gouvernement avait réussi à faire modifier une dépêche APS qui aurait, selon lui, “dénaturé” ses propos au sujet du Sahara occidental. C'est dire que cette question reste ultra-sensible chez les Marocains a fortiori chez les islamistes du PJD qui font de la marocanité du Sahara une “cause sacrée”. S'agissant des relations laborieuses avec l'Algérie, il semblerait que le gouvernement Benkirane soit exaspéré par les rodomontades de la presse marocaine qui continue à tourner en ridicule, trois mois après, la visite “historique” du ministre marocain des Affaires étrangères et de la Coopération, Saâd Eddine El-Othmani où il avait été reçu à Alger presque comme un chef d'Etat. M-C L