Le jour où la France se donnait un président de gauche, la Grèce faisait entrer un parti néo-nazi, répondant au doux nom d'Aube Dorée, au Parlement. Les deux scrutins traduisent, dans la structure de leurs résultats, la poussée actuelle des extrêmes politiques, de l'extrême droite notamment, en Europe. Les fascistes grecs doivent leur score de 21 députés (près de 7% des voix et 7% des sièges) au fait qu'ils aient sonné l'hallali contre les immigrés dès le début de la crise et, accessoirement, à leur refus du plan européen d'austérité. En France, si la crise a, dans une certaine mesure, sanctionné Sarkozy, c'est certainement la crise qui l'a sauvé d'une débâcle. Le capital électoral constitué par le Front national, pour l'essentiel, à partir de milieux populaires pas nécessairement voués à voter à droite, lui a profité, puisque 56% des électeurs de Marine Le Pen ont reporté leurs voix sur lui, alors que François Hollande n'a bénéficié que des voix de gauche (87% des électeurs de Jean-Luc Mélenchon) et très peu du centre (33% des électeurs de François Bayrou, contre 52% d'entre eux à Sarkozy). Les résultats de ces élections en Grèce rendent le pays arithmétiquement ingouvernable (les conservateurs de Nouvelle Démocratie et les socialistes du Pasok totalisent 149 sièges sur 300 ; aucun autre parti ne peut compléter leur majorité parce que toutes les autres formations disposant de députés sont anti-européennes et celles, bien que disposant de 151 sièges au total sont inconciliables). Mais, pire, les deux grands partis, “européens” et traditionnellement partis de gouvernement, n'ont obtenu que 32% des voix ! La crise a promu, à des degrés divers d'agressivité, le discours anti-immigré, xénophobe et anti-européen. Et même lorsque certains candidats tentent de se prémunir de la tentation populiste, ils se limitent à condamner les dérives raciste ou nationaliste sans aller jusqu'à expliquer, à leur électorat, les véritables raisons de la crise. À savoir une croissance cumulée sur plusieurs décennies du niveau de vie sans rapport avec le rythme de croissance des économies européennes. Le différentiel n'étant pas uniforme, la crise ne s'exprime pas de manière uniforme dans tous les pays, bien sûr. Les politiques, rattrapés par la fuite en avant déficitaire, se défaussent, eux aussi, sur l'immigration, endossant le réflexe simpliste de chômeur et smicard qui se réveille ébahi de devoir payer pour ce que lui et ses compatriotes ont si longtemps vécu au-dessus de leurs moyens. Après cela, Louis Aliot, du FN, s'étonne de “la communautarisation de la société française” quand il voit “beaucoup de drapeaux algériens” à la fête de la Bastille, le soir de la victoire de Hollande. Mais n'est-ce pas Sarkozy qui, après Le Pen, a, dans le débat regardé par dix-neuf millions de Français, “communautarisé” les immigrés, notamment maghrébins ou “musulmans”, et leur droit de vote éventuel aux municipales. Au demeurant, le message des drapeaux de la Bastille était loin d'être communautariste ; il n'était que la réponse de Français de double appartenance fêtant la victoire d'une France de moins d'ostracisme. L'inquiétant c'est que, si la crise s'aggrave, il n'est pas impossible que la descente aux enfers fascisante ne fait que commencer. M. H. [email protected]