Depuis le 1er juin, les hôpitaux sont approvisionnés régulièrement en produits pharmaceutiques. Une aubaine pour le ministre de la Santé qui pouvait démentir, allègrement, les accusations de l'intersyndicale des praticiens de la santé. Il n'en demeure pas moins que cette disponibilité n'est peut être que conjoncturelle tant que les contraintes, entravant le marché du médicament dont le crédoc, ne sont pas levées. Le président de l'Ordre des pharmaciens parle même de trafic transfrontalier de médicaments. Au début du mois de juin courant, l'intersyndicale des médecins exerçant dans les établissements sanitaires publics jette un pavé dans la mare en dénonçant une grave pénurie de produits pharmaceutiques dans les hôpitaux. Le président du Syndicat national des praticiens de la santé publique, Lies Merabet, brandit une liste de consommables et de médicaments, alors qu'ils sont indispensables dans le traitement de maladies graves ou chroniques. Il s'appuie, dans ses assertions, sur une enquête menée, du mois de mars au mois de mai, dans 170 structures de soins à travers 21 wilayas. Ce qui est largement significatif, de son point de vue, de la “situation alarmante”, vécue dans la douleur autant par le patient que par les médecins. Le Snapo (Syndicat national des pharmaciens d'officine) certifie, de son côté, que les ruptures de stocks touchent 230 médicaments, dont 170 sont essentiels. Le ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière réagit promptement à cette sortie médiatique, en criant haut et fort qu'il n'existe pas d'affaire appelée “pénurie de produits hospitaliers”. Il a rappelé alors la batterie de mesures qu'il a prises pour régler ce problème et surtout ne pas rééditer l'épisode de l'été 2010, où de nombreux traitements cruciaux, dont les anticancéreux, manquaient cruellement dans les pharmacies des hôpitaux. Le ministre de tutelle a parlé de l'effacement de la dette de la PCH, de sa dotation d'une enveloppe de 20 milliards de dinars pour sécuriser ses approvisionnements et aussi d'un statut particulier qui lui permet de passer des marchés de gré à gré avec les hôpitaux. Djamel Ould Abbès a affirmé, en outre, que la facture de l'importation a augmenté de 34% durant les quatre premiers mois de l'année 2012. Preuve, à ses yeux, que des produits pour lesquels l'état a dépensé 720 millions de dollars ne sauraient manquer. Conjoncturellement, l'Algérie ne souffre effectivement pas d'indisponibilité de produits pharmaceutiques. Il n'en demeure pas moins que les mesures, prises par le gouvernement, ne lèvent pas les contraintes structurelles qui provoquent cycliquement une crise. Le ministre de la Santé lui-même admet que des tensions affectent, de temps à autre, certaines molécules mères ou des génériques, à cause des dysfonctionnements dans le circuit de distribution. Selon Hamid Boualeg, coordinateur du réseau des associations des malades chroniques, la complexité de la procédure suivie dans l'importation des produits pharmaceutiques et surtout l'institution du crédit documentaire, par la loi de finances complémentaire pour 2009, rallongent considérablement les délais entre l'étape de l'établissement de la commande par un hôpital et son approvisionnement. Pendant cette période, la structure ne peut fonctionner et compter vraiment sur les réserves, qui arrivent vite à épuisement. Lotfi Benbahmed, président de l'Ordre national des pharmaciens, souligne que la situation de pénurie est induite par des erreurs d'appréciation en amont de la réglementation. Il cite des programmes d'importation annualisés avec des quantités limitées ; des procédures d'enregistrement longues et fastidieuses ; une instabilité réglementaire continue... “Sans compter que le secteur est aussi tributaire des problématiques que connaît l'ensemble de l'économie nationale : système bancaire, foncier, douanes, lettre de crédit mais aussi contraintes du marché mondial”, énumère-t-il. à ce titre, notre interlocuteur estime urgente l'installation de l'Agence du médicament, “déjà créée par la loi, accompagnée de textes réglementaires adaptés, selon des standards internationaux, qui permettra aux pouvoirs publics de réguler le secteur avec plus de moyens et d'expertise”. Il plaide aussi pour la mise en œuvre de programme d'importation pluriannuelle, “au moins pour les médicaments essentiels correspondant à la durée de leur autorisation de mise sur le marché, avec des clauses d'annulation si les produits sont fabriqués localement. Cette disposition permettra une meilleure négociation des prix et assurera une disponibilité continue du médicament”. L'Ordre national des pharmaciens souligne, en outre, l'impératif d'engager la responsabilité des laboratoires pharmaceutiques fournisseurs “sur la disponibilité du médicament afin que l'Algérie soit à l'abri des perturbations dues à la réorganisation continue du marché mondial”. Lotfi Benbahmed met en garde, par ailleurs, sur le trafic transfrontalier, qui commence à prendre de l'ampleur. “De nombreux médicaments du réseau officinal ou hospitalier sont illégalement exportés vers des pays voisins où les prix sont beaucoup plus élevés et où il existe peu ou pas de sécurité sociale. Ces pratiques causent non seulement des problèmes de disponibilité mais portent atteinte à l'économie nationale”, avance-t-il. Dans l'autre sens, “des médicaments en rupture sont aussi illégalement importés et proposés en pharmacie, en violation du code de la santé publique, du code du commerce et du code des douanes. L'Ordre appelle à l'éradication de ces pratiques et procédera à la radiation systématique du Tableau de ces pharmaciens”, conseille-t-il. S. H.