“Il n'y a pas de politique d'économie d'énergie sans politique des prix. Nous aurons un rendez-vous avec les augmentations", dit-il en indiquant qu'il faudra investir 18 milliards d'euros à l'horizon 2017. Nourredine Bouterfa, le P-DG de la Sonelgaz, tire la sonnette d'alarme et avertit à propos de la consommation effrénée en électricité. Intervenant hier au forum de Liberté, M. Bouterfa a attribué les délestages à cette consommation en électricité qui a atteint cette année 100 000 mégawatts. “Ce qui équivaut à 40 fois la consommation en 1962", a-t-il indiqué. Révélant que “60% de la consommation est à usage domestique, alors qu'ailleurs elle est de 30%", Bouterfa endosse principalement cette augmentation de consommation à une sur-utilisation des climatiseurs. L'utilisation de climatiseurs a augmenté la consommation de l'électricité de 20%. Evaluant à 500 000 le nombre de clients utilisant les climatiseurs, M. Bouterfa estime que leur consommation en électricité équivaut à “une fois et demie celle d'Alger et est chiffrée à 1 000 mégawatts". De plus, il est question de fraude dans l'installation de ces climatiseurs. “Huit climatiseurs sur 10 fonctionnent de manière frauduleuse. Et la fraude se fait en amont du compteur lors de l'installation", révèle le P-DG de Sonelgaz. Ce dernier évoquera un autre problème auquel fait face Sonelgaz, l'acquisition de foncier pour réaliser des installations électriques. “Nous sommes confrontés à un problème bureautique d'acquisition d'assiettes de terrains pour réaliser nos lignes", ajoutant qu'“entre-temps, la demande augmente et les émeutes éclatent". Le P-DG de la Sonelgaz ne manque pas de noter qu'il est difficile de faire face à la demande : “le distributeur ne peut distribuer que ce qu'il a. Il y a des chutes de tension car la demande augmente et devient supérieure à ce qui est disponible", dit-il avant de souligner que dans le plan national d'électrification, “nous devions satisfaire les besoins en lumière, en réfrigérateurs ainsi qu'en télévision et actuellement, il est question de climatiseurs qui consomment beaucoup d'énergie". Plus précis sur l'augmentation de la consommation, il dira qu'“on revient au boom de consommation qui s'est produit en 2011 avec une progression de la demande de 14,4%, alors que les investissements en infrastructures électriques ont été consentis sur la base de prévisions de croissance de 6,5%". L'Algérie, selon lui, “a échappé à de sérieux problèmes d'alimentation en électricité en investissant pour 6 000 MW supplémentaires, soit presque le double de la croissance projetée, soit 3 600 MW, établis sur la base de 6,5% de la progression de la demande". “Avec les 6 000 MW investis, nous étions bien couverts et on devait retirer près de 1 500 MW de réserves, mais la croissance réelle était de plus de 4 800 MW, autrement dit, que la réserve devient moins importante", explique-t-il. “Nous aurons un rendez-vous avec les augmentations des prix" Aux yeux de M. Bouterfa, pour faire face à la demande grandissante en matière d'électricité, “l'Algérie aura besoin de mobiliser une puissance supplémentaire de 1 200 MW afin de pouvoir couvrir une demande importante en été." Il indique à ce propos que le système électrique national est en mesure de supporter une demande de 9 700 MW au maximum. Toutefois, “au-delà de ce seuil, la distribution peut être confrontée à de sérieux problèmes en raison de manque de réserves", dit-il. À l'horizon 2017, l'Algérie aura besoin d'investir 18 milliards d'euros pour doubler ses capacités actuelles de production, de transport et de distribution d'électricité. Bouterfa considère à ce propos que la rationalisation de la consommation de l'électricité ne peut se concrétiser sans une augmentation des tarifs de l'électricité. “Il n'y a pas de politique d'économie d'énergie sans politique des prix. Nous aurons un rendez-vous avec les augmentations", dit-il. Et de rebondir sur la question : “Si on continue avec cette consommation, on va changer le mode de consommation des Algériens." Il estime que “pour satisfaire les Algériens, il faudrait un nouveau plan national d'électrification où on ne pensera pas seulement à donner de l'électricité aux Algériens pour la télévision, la lumière et le réfrigérateur mais aussi pour la climatisation", a-t-il dit. Mais “avons-nous les moyens humains, matériels et financiers pour cela ?" s'interroge-t-il. Et d'y répondre : “La solution est de vendre l'électricité à son juste prix", c'est-à-dire à 100% plus cher. Par ailleurs, Bouterfa rejette les accusations quant à la responsabilité de la Sonelgaz dans les coupures. “Il n'y a pas lieu de se tromper de cible car Sonelgaz n'intervient plus depuis 2002, date de la promulgation de la loi sur l'électricité, dans le service public." Selon lui, “ce service est assuré par des sociétés autonomes sous l'autorité de la Commission de la régulation de l'électricité et du gaz". “La filiale autonome de Sonelgaz, SPE (Société de production d'électricité) ne détient actuellement que 40% des parts de marché de production de cette énergie, le reste étant assuré par Sonatrach et des producteurs privés", dit-il. Maintien des délestages pour le sud-est du pays : Les délestages vont ils se poursuivre ? “On peut avoir des problèmes en fonction de la disponibilité, mais les délestages continueront dans le sud-est du pays", a annoncé M. Bouterfa. Ces délestages qui seront maintenus jusqu'à la fin de l'été ont lieu dans l'objectif de “préserver l'équilibre entre l'offre et la demande". “Hormis cette région, le système électrique national n'a connu de juin à aujourd'hui que trois jours de difficulté", fait-il savoir. Les wilayas qui seront fortement touchées par ces délestages sont Biskra, El-Oued et Batna (Barika), selon lui. L'insuffisance des lignes de distribution sont à l'origine des coupures électriques quotidiennes qui ont provoqué dans cette région du pays une vague de contestations. Selon le P-DG de Sonelgaz, les deux lignes très haute tension (M'sila-Barika et Aïn Djasser-Barika) “dont la mise en service a été prévue pour cet été a été retardée en raison d'oppositions par des tiers, mettant en péril la sécurité de l'approvisionnement de cette région". Ces deux lignes sont indispensables pour le transit de l'énergie électrique vers le sud-est du pays. Pour éviter un black-out de toute la région, l'opérateur système a été contraint de mettre en œuvre un délestage volontaire, tournant et maîtrisé, notamment entre 13h et 17h. Il fera observer que “les problèmes d'opposition par des particuliers au passage de lignes ont freiné les programmes de distribution et de transport de l'électricité". Sonelgaz ne rembourse pas les pertes À la question de savoir si la Sonelgaz rembourse aux commerçants affectés par les coupures d'électricité, la réponse a été négative. “Sonelgaz ne remboursera pas les commerçants. Qu'ils soient boulangers ou bouchers ou dans une autre activité, les commerçants ont des contrats d'assurance, il y a des rapports d'expertise qui sont faits par des experts en la matière pour évaluer les pertes et les dégâts et le rôle de Sonelgaz sera uniquement de confirmer ou d'infirmer le jour de l'expertise qu'il y a eu un problème d'électricité." “Quand le dossier du commerçant est chez la compagnie d'assurance, on confirme ou infirme l'existence de la panne." N M