Le président tunisien Moncef Marzouki a été moins virulent à l'égard du parti majoritaire au gouvernement tunisien Ennahdha. Dans un entretien accordé au journal français Le Figaro, Marzouki s'est fait tout petit comme pour regretter d'être un mauvais élève du pays des Gaullois. “J'aime la France, mais je suis accablé, scandalisé, blessé, indigné par l'image qu'on y donne de la Tunisie, à savoir un pays qui va basculer dans l'escarcelle de l'islamisme, qui est sur le point de verser dans le salafisme", a-t-il déploré. Marzouki veut minimiser les rapports de force imposés ces derniers mois par les islamistes de tout bord en Tunisie. “La Tunisie n'est pas en train de basculer dans l'islamisme à outrance", a déclaré le président tunisien, qui s'est dit “scandalisé" et “blessé" par l'image de son pays véhiculée en France. Moncef Marzouki reconnaît, toutefois, la difficulté et la complexité de la situation que vit le pays actuellement (...) mais, selon lui, n'est pas en train de basculer dans l'islamisme à outrance. “Prétendre cela relève du fantasme", a laissé entendre M. Marzouki. D'aucuns se demandent alors comment expliquer les incidents et les attaques liés à la mouvance radicale salafiste se sont multipliés au cours des derniers mois. D'autant que certains incidents sont revendiqués par les islamistes. “Le moindre petit incident, qui n'a strictement aucun impact sur la société tunisienne, est grossi, comme cette malheureuse attaque d'un élu français qui a déclenché un branle-bas de combat médiatique. Je ne veux pas dire que ce n'est pas un acte condamnable, mais il y a des millions de touristes en Tunisie et ils ne sont jamais agressés", a-t-il souligné. Le président n'a pas tout à fait tort mais il ne sait pas, peut-être, que beaucoup d'étrangers ont quitté le pays, certains sont sur le point de le faire. Moncef Marzouki citait en exemple cet élu régional socialiste français a porté plainte pour avoir été violemment agressé mi-août à Bizerte (nord) par des salafistes, alors qu'il se trouvait en vacances avec sa famille. Tunis avait présenté ses excuses à l'élu Jamel Gharbi. “Ces incidents sont insignifiants pour ce qui est de leur capacité à transformer la société tunisienne, mais ils sont malheureusement hyper signifiants par leur capacité de nuisance sur l'image de la Tunisie", a estimé M. Marzouki. Interrogé sur une “dérive autoritaire" du parti islamiste Ennahda, majoritaire au gouvernement et l'assemblée constituante en Tunisie, M. Marzouki, membre du parti Congrès pour la République (CPR), faisant partie de la troïka, n'a pas mâché ses mots pour dénoncer une “tentation" et une “tentative" de “mainmise sur un certain nombre de rouages de l'état". Mais “dès qu'on les met en garde, ils reculent", a-t-il dit. Le président Marzouki rassure : “La troïka au pouvoir fonctionne." Mais ne cache pas l'existence des tensions et des crispations au sein de la troïka qui, pour lui, est tout à fait naturel. Des laïcs de gauche avec des islamistes conservateurs, ce n'est pas évident", a-t-il concédé. “Le projet d'une société pluraliste, tolérante, où la femme est l'égale de l'homme, une société ouverte sur le monde tout en étant attachée à ses racines n'est pas remis en cause par Ennahda, mais par sa fraction d'extrême droite qui est très minoritaire dans le pays, c'est-à-dire les salafistes. Ce projet est également attaqué par une infime minorité d'extrême gauche qui voudrait nous ramener à la révolution culturelle", a estimé M. Marzouki. “Jamais les libertés n'ont été autant protégées dans ce pays", a-t-il affirmé. Invité à s'expliquer sur le fait que le projet de Constitution est loin de faire consensus sachant qu'Ennahdha tient à un régime parlementaire et que les autres partis sont pour un régime semi-présidentiel, M. Marzouki a assuré que si la Constitution n'est pas acceptée par une majorité des deux tiers, les partis au pouvoir consulteront le peuple par référendum. “Les islamistes ne peuvent pas réunir à eux seuls cette majorité, donc ils ne peuvent pas imposer leurs vues. Nous sommes les descendants des Phéniciens, nous faisons du négoce depuis trois mille ans. Nous avons le sens du marchandage et du compromis. Il y aura un consensus. Nous n'avons pas le choix", a-t-il déclaré. Interrogé sur les médias qui s'élèvent contre les atteintes à la liberté d'expression, le président tunisien en veut à son gouvernement d'être maladroit dans ses tentatives de se défendre contre “un harcèlement permanent". “Comme partout ailleurs, il veut encadrer les médias. Mais ce n'est pas noir ou blanc. Le méchant loup qui veut museler les médias, c'est du fantasme, parce que le méchant loup, à savoir l'Etat, laisse dire et écrire des choses abominables, et est attaqué du matin au soir par une presse dont beaucoup de plumes collaboraient avec l'ancien régime. Il y a des professionnels dignes de respect et une bande de malfrats dont vous n'avez pas idée. Ils se posent en révolutionnaires modèles après avoir écrit des lettres honteuses à Ben Ali et reçu de l'argent. Ce qu'ils veulent, c'est couler le gouvernement. D'ailleurs, nous allons transmettre leurs dossiers à la justice transitionnelle", a-t-il déclaré. I. O.