Ce dossier très lourd n'a livré qu'une partie de ses secrets, la moins compromettante bien sûr. Après une course folle, parsemée de suspicion, qui aura duré près de quatre années, l'énigmatique groupe Khalifa sera stoppé net au printemps 2003, par une décision de la commission bancaire suite à une fouille minutieuse des comptes de la banque privée autour de laquelle s'articulait l'ensemble des filiales qui allaient, à leur tour, tomber comme un château de cartes. Khalifa Airways ne tardera pas à revenir à jamais à terre, révélant sa dépendance suicidaire des mannes de la banque du même nom dont l'évolution préfabriquée a emprunté des raccourcis qu'aucune ascendance rationnelle ne peut justifier. La liquidation de la banque, que l'on disait solide, s'est finalement soldée par l'“illiquidité” de cet établissement privé dont la richesse, puisée dans les sources de déposants publics et privés, a fini par dévoiler les graves dysfonctionnements du système bancaire algérien. Un dysfonctionnement facturé au Trésor public à 2 milliards de dollars et un préjudice inédit pour des milliers de petits déposants aux prises avec les règles de remboursement. Sans compter les conséquences au plan international provoquées par la débâcle d'un groupe qui s'est voulu trop privé, entamant la crédibilité de la signature algérienne financièrement parlant. Le groupe Khalifa aura aussi brisé le capital enthousiasme et confiance dans la sphère bancaire privée, qui persiste, jusqu'à aujourd'hui, à payer les frais de ce scandale qui restera à jamais inscrit dans les annales financiers. Trop de victimes et peu ou point de coupables, des organismes publics de haute responsabilité, telles les caisses de sécurité sociale, s'étaient risqués à confier leurs fonds à une banque déroutante par sa jeunesse, n'ayant eu pour capital authentique qu'un soutien politique éphémère, qui s'effacera brusquement à l'annonce des premiers indices de la malversation sur les fuites de capitaux, opérées à travers les canalisations de cette banque. Abdelmoumène Khalifa, qui s'affichait publiquement avec les plus hautes personnalités politiques, récoltera des dividendes inestimables pour son groupe. Des managers d'institutions publiques ont cru y percevoir un signal pour solliciter les guichets de la banque Khalifa. La suite sera connue : aucun placement ne sera récupéré ni au taux miroitant de 17% ni à celui de zéro pour cent. On a bien tenté, par ailleurs, aux fins de contourner la liquidation du groupe, de faire croire que ce dernier employait des milliers de travailleurs et qu'il était donc malvenu de les mettre au chômage. Ce qui était, en principe, censé être une charge salariale a failli servir de carte politique pour peser sur la décision de liquidation. Combien sont-ils réellement ces employés de Khalifa, toutes filiales confondues ? Des voix crédules répondront, non sans calcul, qu'ils seraient à hauteur de 20 000 employés, voire plus, alors qu'aucun organisme de sécurité social ou autre autorité compétente n'a pu confirmer ou maîtriser la donne. De l'histoire Khalifa, il y a lieu de retenir ce sursaut tardif et coûteux des autorités monétaires à la faveur d'un semblant de durcissement sur les banques privées et les missions de contrôle de ce paysage. La Banque d'Algérie, en tête de liste, aura été plus que jamais interpellée de par son absence que d'aucuns interprètent comme une caution au parcours menaçant de la banque Khalifa. L'amendement de la loi sur la monnaie et le crédit et les nouvelles dispositions sur le contrôle des changes sont affichés telle une solution miracle à des problèmes… passés. Toute la vérité n'a pas encore été dite sur le scandale du siècle, qui a replacé autrement l'Algérie sur la scène internationale. Khalifa a disparu en cette année 2003, laissant des “miettes” à un liquidateur qui peine à faire jouer le fameux fonds de garantie des dépôts. Quant à Abdelmoumène, il a parlé, à partir de Londres, en réponse au défi, au seul homme politique de la place, qui a osé l'inciter à faire des révélations, M. Ouyahia en l'occurrence. Il a parlé pour ne rien dire, si ce n'est qu'il a conforté le Chef du gouvernement dans son aisance par rapport à ce dossier à polémiques. A. W.