Résumé : Hadja Taos a demandé à son petit-fils d'intervenir, l'avertissant des problèmes qui pourraient y avoir plus tard si Lynda demeure à la maison, sans une chance de poursuivre ses études. Tewfik promet de parler à son père. Lynda sait que ce ne sera pas facile. Son père n'est pas près de lui pardonner. Lynda ne s'est pas trompée. Durant toute la journée, elle a eu le pressentiment que son père n'allait pas sauter de joie en entendant Tewfik prendre la défense de celle qui a osé les humilier. Et surtout, elle est certaine qu'il a dû ruminer sa colère. Quand il rentre et claque la porte d'entrée comme au petit matin, après avoir discuté avec sa grand-mère. Lynda sait qu'il allait s'en prendre à sa mère et mettre les points sur les i. Le message s'adressant à toute la famille. Personne ne doit prendre l'initiative de tout effacer, pour qu'elle puisse reprendre sa vie là où elle a été interrompue. - Quand je dis que je ne veux plus parler d'elle, je crois que c'est clair ! Elle n'est plus ma fille. Pour moi, elle est morte ! Comment faire des projets pour une morte ? Ourida, dis à tes fils de me laisser en paix. Au cas où je deviendrais fou, je risque de m'en prendre aussi à eux ! Tu les préviens. Est-ce que c'est clair ? - Ils trouvent tous qu'elle a droit à une autre chance, ose-t-elle dire alors que d'habitude, elle n'a pas le courage d'émettre ses opinions. Même ta mère. Tu pourrais par respect pour elle, faire un effort ! Elle se fait un sang d'encre pour Lynda ! - Chut ! Qu'est-ce que j'ai dit ? Je ne veux plus entendre son prénom. Quand tu parles de ma mère et de respect, j'ai envie de te frapper ! Vous l'avez gâtée au point de la pourrir. Oui, ce n'est pas de sa faute. On y est tous pour quelque chose, poursuit Abdenour. J'aurais dû écouter les garçons quand ils me demandaient de ne pas la laisser partir à Alger ! Je regrette de ne pas l'avoir fait. Cela nous aurait évité de nous faire humilier de la sorte ! De la pire façon qui soit sur terre, pour un père aussi fier que moi ! - C'est aussi par fierté que tu refuses de la voir, ose-t-elle lui dire. Tu souffres autant qu'elle et tu voudrais que personne ne s'en rende compte ! Mais on la sent ta douleur. Comme tu viens de le dire, les garçons ont toujours été durs avec elle mais depuis quelque temps, ils laissent parler leur cœur ! - Ah oui, s'écrie Abdenour alors que Hadja Taos sort de sa chambre où elle se repose. Les cris ont attiré son attention. - Non, maman, ne te mêle pas de ça ! Je te l'ai demandé ce matin. Elle appartient au passé ! - Vous parlez de quoi ? - De ta chère petite-fille, répond Ourida. Apparemment, les garçons sont plus compréhensifs que lui et il ne le supporte pas. - J'ai toujours su que mes petits-fils chéris ont bon cœur, même si les apparences ne jouent pas en leur faveur, remarque la grand-mère, heureuse d'apprendre que Tewfik a tenu parole. Ils ont compris que Lynda n'était pas maîtresse de la situation. Elle ne se serait jamais mise dans le pétrin. C'est ce que je lui ai dit mais il ne veut rien entendre, soupire Ourida. Et, j'en ai marre de l'entendre crier sans raison. - Moi aussi, dit Hadja Taos. Ce n'est pas parce qu'il est arrivé un malheur à Lynda que la vie ne doit pas suivre son cours normal. - Pour moi, rien ne sera comme avant ! Vous voulez faire semblant ? Soit, faites ! Mais respectez moi. Pour moi, elle n'existe plus, elle est morte et enterrée ! Quant à la laisser sortir et retourner à ses études, c'est hors de question ! Inutile d'insister ou de vous liguer contre ma décision car tant que vous vivrez tous ici, c'est moi qui décide ! Est-ce clair ? Hadja Taos proteste. Elle voudrait poursuivre la conversation avec lui mais il repart, préférant la fuir pour ne pas lui donner cette occasion. Lynda sort de sa chambre et tente de sourire à sa mère et à sa grand-mère. Elle voudrait les remercier. Elle sait qu'il n'est pas facile de tenir tête à son père quand il est furieux. Plus que jamais, elle a conscience qu'il faudrait l'intervention des anges pour amadouer son père. Ses frères n'y sont pas arrivés. Elle apprécie leur geste à sa juste valeur. Dommage que leur père n'ait pas été touché par leur sollicitude. - Tu les remercieras, demande-t-elle à sa grand-mère en allant l'embrasser. Ils ont tenté, ce n'est pas rien ! - On y arrivera, la rassure sa grand-mère en la serrant un moment contre son épaule. Je te jure que tu retrouveras ta liberté. Je me battrais pour toi, jusqu'à mon dernier souffle. Sois-en certaine, dors tranquille ! Je veillerai toujours sur toi. - Je n'en doute pas, murmure la jeune fille. Je retourne à ma chambre. Il pourrait revenir. - Je viendrais discuter avec toi, dit Hadja Taos alors qu'elle se dirige vers sa chambre mais celle-ci refuse. - Je voudrais rester un peu seule ce soir ! Bonne nuit ! Je t'aime. Hadja Taos n'insiste pas. Elle va à la cuisine et tient compagnie à sa belle-fille qui finit de préparer le dîner. Elles ne parlent pas, conscientes qu'il faudra plus de temps que prévu pour forcer la main à Abdenour. - Lynda n'a pas mangé aujourd'hui, fait remarquer Ourida à sa belle-mère. Je vais l'appeler, peut-être qu'elle acceptera de se nourrir un peu. - Ç'a été une dure journée, laisse, je vais tenter de lui remonter le moral. Hadja Taos s'en va donc frapper à la porte de la chambre de Lynda. Personne ne répond. Elle s'inquiète en tentant d'ouvrir. La porte est fermée de l'intérieur et Lynda ne répond pas à ses appels. - Mon Dieu, faites que je me trompe, prie-t-elle alors qu'Ourida est sortie, chercher de l'aide. Faites que je dramatise pour rien ! Mais comment ne pas imaginer le pire ? Lynda est à bout. (À suivre) A. K.